CONSCIENCE
Les structures de l'être conscient
Un être en devenir
Il s'agit de décrire l'articulation des phénomènes qui engendrent l'ordre selon lequel se déroulent la pensée et l'action dont le sujet dispose. Car les perceptions du sujet, ses souvenirs, ses idées, son langage, ses prévisions et ses fins deviennent des réalités dont il est conscient, à la seule condition que tous ils se conforment à sa propre loi. Et ainsi, d'emblée, les phénomènes qui se succèdent ou s'impliquent dans la conscience ne sauraient être seulement envisagés comme le fameux stream of consciousness de W. James, mais plus exactement comme une organisation structurale, comme un ordre auquel le sujet se soumet pour progresser dans son autonomie. C'est dire que la description de ces structures ne peut se faire comme s'il était question de partes extra partes ou de figures de l'espace géométrique, ou encore d'une mosaïque fonctionnelle. Il s'agit plutôt de saisir le mouvement même de l'organisation de l'être conscient, pour autant que cette organisation constitue une architectonie de niveaux, de formes et de perspectives qui permettent au sujet d'avoir conscience de l'expérience actuellement vécue, c'est-à-dire d'en contrôler les catégories de réalité dans le champ de son actualité – et, au travers des champs successifs de son expérience, d'être conscient de son identité et de sa constance, c'est-à-dire d'être quelqu'un. Cette double structure synchronique (le champ de la conscience) et diachronique (le moi ou la personnalité) constituent les deux coordonnées temporelles en fonction desquelles se développe, se construit et s'affirme l'être conscient. À chacune de ces deux dimensions complémentaires de la « conscience » correspondent une organisation structurale et une dialectique propres, toutes les deux ayant en commun d'assumer ce que les béhavioristes appellent l'intégration du comportement ou ce qui, plus exactement, représente pour le sujet la subordination de ces moyens, que sont les forces de la vie, à ses fins, que sont les formes idéales de son existence.
Dans le style même des fameuses Ideen de Husserl, l'être conscient, en tant que disposant de ce qu'il vit en conformité avec ce qu'il a à être, est essentiellement un être logique et éthique, un « être de raison » qui conjugue son sentir, son désir, son savoir aux divers temps de ses possibilités. Telle est la structure générale de l'être conscient, à la fois temporelle, historique, logique et axiologique. Mais il convient de prendre bien garde qu'il ne s'agit de rien moins que d'une abstraction. Il s'agit même du contraire d'une abstraction, dans la mesure même où la description de ces structures, « réduites » par leur fonction à leur essence, saisit ce qu'il y a de plus absolument concret dans ces formes, physionomies et configurations que les mouvements intentionnels du sujet contractent, impliquent ou, au contraire, explicitent et développent, selon que diminue ou augmente le pouvoir de différenciation qui indexe les degrés de lucidité de la conscience, savoir : les transitions qui vont de la fermeture de la conscience endormie à l'ouverture de la conscience éveillée, ces mille manières pour le sujet d'être à son monde, de se le faire apparaître et dont avec Heidegger ou Sartre on peut suivre l'infinité des excursions. Il est impossible de donner une connaissance encyclopédique de la conscience sans tourner délibérément le dos aux « données » (fussent-elles réputées immédiates), aux « états » ou « contenus » de la conscience, et sans choisir délibérément d'en exposer au contraire les perspectives proprement formelles et essentiellement temporelles, celles d'une multiplicité infinie de ses plans et de ses formes. Comme l'être conscient est fondamentalement voué à la constitution de l'ordre dans lequel s'inscrivent les relations[...]
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Écrit par
- Henri EY : ancien chef de clinique à la faculté de médecine de Paris, médecin chef à l'hôpital psychiatrique de Bonneval
Classification
Média
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