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CONSCIENCE

L'être conscient et son inconscient

Freud n'a pas découvert le psychisme inconscient, en ce sens que tous les hommes de tous les temps savaient que « quelque chose » (leur corps, ses besoins et ses souvenirs) n'accède pas à la qualité prédicative d'être conscient, c'est-à-dire reste réfractaire à la libre disposition du sujet. Par contre, en observant qu'à l'intérieur de chacun il y a quelque chose qui se trouve séquestré par l'effet du refoulement, Freud a bien découvert l'inconscient (substantif). L'inconscient freudien, celui dont depuis bientôt cent ans les hommes ont appris à discuter, sinon à le connaître ou à le reconnaître comme étant le produit d'une interdiction (censure), cet inconscient est pour ainsi dire deux fois inconscient : d'abord parce qu'il est refusé ou récusé par la conscience, et ensuite parce que l'être conscient est lui-même inconscient de cette dénégation. Disons donc que depuis Freud l'inconscient représente bien autre chose que ce qu'en entendaient Leibniz ou, plus près de nous et peu avant Freud, Eduard von Hartmann.

Ambiguïté de la thèse freudienne

La thèse freudienne tient l'inconscient pour une zone entièrement autonome, un système hermétique de détermination. La sphère de l'inconscient est, dans la théorie psychanalytique, incommensurablement plus importante que ne l'est celle de la conscience. Elle est régie, comme le sont les premiers stades du développement infantile, par le principe de plaisir, c'est-à-dire par l'exigence de satisfaction des pulsions (Trieben). Les forces de l'inconscient sont ces pulsions mêmes (charges tendant à se décharger), pulsions qui ne sont jamais brutes comme des instincts, mais figurées par leurs « représentants » psychiques (fantasmes, complexes), c'est-à-dire élaborées. Cette élaboration, ce travail de l'inconscient (« processus primaire ») a ses lois propres. Les caractéristiques dominantes en sont : l'intemporalité, l'absence de négation ou de degrés de certitude, l'indifférence enfin au principe de contradiction. La pensée du rêve en fournit l'exemple le plus évident, en nous montrant et démontrant que l'inconscient ne peut affleurer à la conscience que sous forme symbolique, c'est-à-dire après avoir été déformé, déguisé par des procédés de déplacement (métaphore, métonymie) qui médiatisent le sens de l'inconscient dans ses « signifiants » (représentants idéo-verbaux de ce deuxième ou troisième degré de signalisation). De telle sorte que l'inconscient n'est pas amorphe mais systématique, et c'est en ce sens que J. Lacan a pu dire (abusivement) que l'inconscient est structuré comme un langage.

L'inconscient comprend pour Freud le « ça », c'est-à-dire la totalité des pulsions (pulsions libidinales et pulsions de mort) ; le sur-moi, c'est-à-dire l'image introjectée des parents (notamment du père ou du phallus) véhiculée par les relations œdipiennes (identification au père ou à la mère, avoir ou être un phallus, etc.) ; et enfin le moi lui-même, car, étant investi par la libido narcissique (Ichbesetzung, ego-cathexis), il n'est et ne naît que des exigences de la sphère inconsciente et ne constitue pas une formation entièrement consciente. De telle sorte que l'être conscient, en dernière analyse, se trouve complètement « dépossédé ». En effet, du point de vue économique, énergétique ou topique, on peut dire que c'est – sauf clause de style – toute la vie psychique qui devient, aux yeux de Freud, inconsciente. Et ainsi, après avoir été une psychologie de la conscience dans sa forme classique, la psychologie est devenue, après Freud, une psychologie de l'inconscient.

Cette extension abusive de l'inconscient[...]

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Écrit par

  • : ancien chef de clinique à la faculté de médecine de Paris, médecin chef à l'hôpital psychiatrique de Bonneval

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Henri Bergson - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Henri Bergson

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