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CONSCIENCE

La conscience et l'ordre des valeurs humaines

L'exposition des structures et de l'organisation de l'être conscient l'expriment pour ce qu'il est : l'ordre qui le constitue comme sujet de son monde et l'ordre que ce même sujet impose à son monde. Que cet ordre ne soit pas celui d'une sorte de despotisme, c'est bien ce qui est suggéré par l'organisation même du pouvoir de l'être conscient, lequel ne peut jamais se rendre maître absolu de son inconscient. Il n'en reste pas moins que « ordonnance » de son architectonique ou de son autorité, sa fonction est – comme celle du système nerveux – d'assurer son autonomie (sa liberté) par sa capacité d'intégration (son pouvoir d'autoconstruction et d'autorégulation). Formulée en ces termes éthiques et juridiques, la structure fonctionnelle de la « conscience » se découvre comme l'objet et l'enjeu de tous les problèmes eschatologiques et axiologiques de l'humanité. Et c'est effectivement l'ontologie de l'être conscient qui constitue le centre de tous les problèmes proprement anthropologiques. Tant il est vrai que le même mot, qui, dans la langue latine et en anglais, réunit le sens des deux mots allemands Bewusstsein et Gewissen, subsume ces deux significations liées dans la description phénoménologique de l'être conscient.

La négation de la conscience

Cette « juridiction de la conscience psychologique », cette « autonomie de l'ego ou de la conscience » sont mises en doute par le matérialisme déterministe, soit sous sa forme logico-mathématique (tirée de la cybernétique des mécanismes macro-physiques), soit sous celle du « structuralisme linguistico-culturaliste ». En effet, l'être conscient disparaît dans une conception mécaniste qui interprète le psychisme comme une chaîne de réflexes ou un circuit impersonnel d'informations, et il disparaît s'il est immergé dans une infinité de signifiants impersonnels. Entre ces deux dangers extérieurs (le déterminisme des choses représentant le monde physique et le déterminisme des mots représentant le monde culturel), la conscience est bien, comme le disait Freud du moi, ein armes Ding (une pauvre chose). Le procès qui est fait dans les Temps modernes à l'« image anthropologique traditionnelle » de l'homo psychologicus se résume dans cette négation de la conscience, laquelle n'a et ne peut avoir, en effet, une réalité que si elle n'est réductible ni à une mécanique physique, ni à une machine parlante.

Mais l'être conscient court un autre danger (pour reprendre ici les termes mêmes dont se sert Freud, dans Au-delà du principe du plaisir, quand il insiste sur la nécessité pour le moi de lutter sur le « front intérieur » des excitations internes), celui d'être submergé par les forces de l'inconscient. Et c'est bien ainsi, en effet, que la « métapsychologie » freudienne et de toutes les écoles psychanalytiques en est venue à faire disparaître l'être conscient (das arme Ding) sous l'irrésistible poussée d'un inconscient omnipotent. Mais sur le plan des valeurs cet anéantissement de l'être conscient est devenu lui-même un idéal. Il suffit en effet de réduire la conscience à n'être que le reflet de la culture pour que, miroir d'une société qui apparaît alors comme la force de répression qui s'exerce arbitrairement, artificiellement et absurdement sur l'individu pour l'écraser, l'être conscient soit voué aux gémonies d'une contestation radicale. La levée de boucliers contre la raison, la société et la conscience, l'apologie de l'irrationnel, de l'imagination et de la libido, la révolte contre le père et le sur-moi, la révolte de Dionysos contre Apollon, qu'elle soit prêchée par Nietzsche, W. Reich ou H. Marcuse, tiennent essentiellement la[...]

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Écrit par

  • : ancien chef de clinique à la faculté de médecine de Paris, médecin chef à l'hôpital psychiatrique de Bonneval

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Henri Bergson - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Henri Bergson

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