CONSCRIPTION MILITAIRE
Inscription individuelle, sur les rôles de l'armée, sans distinction de classes sociales, de tous les jeunes gens ayant atteint l'âge fixé par la loi. Pour qu'elle apparût, deux conditions étaient nécessaires : en premier lieu, au militaire subordonné à son souverain par un lien personnel quasi féodal devait se substituer le soldat citoyen, émanation armée de la nation ; en second lieu, il fallait qu'un droit individualiste supprimât les sujétions tribales, familiales ou sociales des personnes civilement responsables.
En France, la Constituante de 1789 les réalisa, mais, en matière de conscription, leurs conséquences ne furent pas immédiatement perçues. En ne se fondant pas sur un recensement des jeunes gens et en ne leur faisant pas l'obligation de servir, les levées en masse décidées par la Législative et la Convention conservaient un caractère archaïque. La conscription fut instituée, en 1798, par la loi Jourdan. L'article premier de cette loi proclamait : « Tout Français est soldat et se doit à la défense de la patrie. » Entre 1815 et 1905, des restrictions furent apportées à son principe. Elles avaient été imposées par divers groupes sociaux hostiles à l'obligation pour tous de servir.
Hors de France, le caractère révolutionnaire de la conscription (était-il prudent d'armer le peuple ?) la fit rejeter à l'origine. Après les désastres de 1806, sous l'impulsion de Scharnhorst, la Prusse comprit que son renouveau exigeait la création d'une armée de masse ; elle adopta donc la conscription et les diverses mesures sociales que celle-ci imposait (entre autres, abolition du servage, ouverture du corps des officiers). Au cours du xixe siècle, pour parer la menace que représentaient, chez leurs voisins, des armées et des réserves très importantes, la plupart des pays d'Europe instaurèrent la conscription.
Avec la Première Guerre mondiale, la conscription connut son apogée. Les États-Unis et la Grande-Bretagne qui, jusqu'alors, la refusaient furent contraints de l'instituer. En 1919, les États vainqueurs croyaient que son abolition en Allemagne briserait la puissance militaire allemande ; ils se trompaient, car le progrès des armements et la mécanisation naissante atténuaient l'opposition entre l'armée de métier et l'armée de conscription ; la Reichswehr, armée de cadres supérieurement entraînés, engendra sans difficultés majeures la Wehrmacht, armée de conscription. Le livre du lieutenant-colonel De Gaulle (Vers l'armée de métier, 1934) rendait bien compte de cette ambiguïté : les soldats de métier devaient former une armée mécanisée susceptible de créer l'événement et d'insuffler leur expérience et leur dynamisme aux corps de couverture recrutés par la conscription.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la complexité et le coût croissants des matériels de guerre, d'une part, et le développement des guerres révolutionnaires, d'autre part, ont posé, en termes nouveaux, le problème de la conscription. La puissance des armes nouvelles rend inutile ou impossible l'équipement de millions de soldats ; au contraire, la multiplicité des actions de guérilla exige des effectifs importants pour contrôler le territoire national.
Le choix entre ces deux solutions extrêmes est déterminé autant par la politique de défense des États que par leurs traditions nationales. La Grande-Bretagne (en 1964) et les États-Unis (en 1973) ont aboli la conscription, qui a toujours été pour eux le signe de la guerre ou d'une menace grave. En 1997, la France a décidé de l'abandonner (au terme d'une période transitoire de six ans) après avoir constaté qu'elle devait adapter son outil militaire aux réalités nouvelles : la fin de la guerre froide avait éloigné la principale menace que constituait l'U.R.S.S. ; les opérations multinationales de maintien[...]
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Écrit par
- Henry DUTAILLY : commandant, professeur à l'École supérieure de guerre
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