CONSERVATION DES ŒUVRES D'ART
Expansion de la muséologie
Depuis la Seconde Guerre mondiale, nous assistons au développement d'une science qui porte en elle une contradiction constitutive ; la muséologie est, en définitive, la discipline qui théorise la conservation et la présentation des objets d'art. Conserver et médiatiser sont les deux objectifs de la muséologie, deux objectifs parfaitement antinomiques.
Le succès, d'abord inattendu, puis minutieusement programmé, des grandes expositions rétrospectives a révélé les capacités des structures culturelles à médiatiser et à théâtraliser les œuvres d'art dont elles sont les dépositaires. Les regroupements éphémères d'œuvres trouvent leur justification dans l'avancée du savoir esthétique et historique.
Mais la présentation des œuvres d'art est fréquemment contradictoire avec leur conservation – que l'on songe à la fermeture, rendue nécessaire par la dégradation des peintures rupestres, de la grotte de Lascaux – et les professionnels de la culture, devenus médiateurs culturels, oublient trop souvent qu'ils sont, d'abord, des conservateurs.
Protéger l'œuvre d'art afin de lui assurer la plus longue pérennité d'exposition est devenu, depuis la Seconde Guerre mondiale, l'obsession des professionnels. Les découvertes scientifiques sur les matériaux constitutifs des œuvres d'art – qui révèlent davantage leur vivante fragilité – et la prise de conscience des nouveaux périls de la pollution de notre époque ont amené les professionnels à établir des critères de conservation intransigeants. Plutôt que de restaurer les objets d'art, les professionnels cherchent maintenant à assurer, préventivement, de parfaites conditions de conservation. La maîtrise du climat (température et surtout humidité relative de l'atmosphère) et de la lumière est une exigence absolue. Une œuvre d'art se dégrade en effet plus rapidement si les conditions de son exposition ne sont pas favorables.
Cette situation a favorisé, depuis les années 1970, la naissance de nouvelles formations professionnelles adaptées à la technicité nouvelle des métiers de la conservation. L'Institut français de restauration des œuvres d'art, créé en 1977 à l'exemple de l'Institut royal du patrimoine artistique (I.R.P.A.), fondé à Bruxelles en 1957 par P. Coremans, ou de l'Istituto centrale di restauro à Rome, est un lieu de formation aux professions de la restauration, alors que l'École du patrimoine, née en 1987 et confirmée en 1990 sous l'appellation École nationale du patrimoine, donne aux conservateurs du patrimoine un enseignement à la fois pluridisciplinaire et spécialisé.
Dans le même temps, des ateliers de restauration ou des centres de recherche sur la conservation des œuvres d'art se sont mis en place, de plus en plus nombreux, mais toujours spécialisés dans une discipline : le Centre de recherche pour la conservation des documents graphiques, à Paris ; le Laboratoire de traitement des objets en métal, à Nancy ; le Centre de traitement des bois gorgés d'eau, utilisant la technologie nucléaire, à Grenoble.
Après la création du Laboratoire de recherche des musées de France avant la Seconde Guerre mondiale, le Laboratoire de recherche des monuments historiques, spécialisé, par obligation administrative, dans les traitements de la pierre, s'est installé à Champ-sur-Marne.
Dotée d'un tel réseau de centres de conservation des œuvres d'art, la France a rejoint, progressivement, les pays les plus en avance dans ce domaine, tels que l'Italie, la Belgique ou le Canada. Peu à peu, la conservation préventive, devenue une discipline à part entière particulièrement pointue, tend à s'imposer face à une vision trop interventionniste de la restauration ; celle-ci, d'ailleurs, se dirige de plus en plus vers un traitement minimaliste de l'œuvre.[...]
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Écrit par
- Germain BAZIN : conservateur en chef au musée du Louvre, ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
- Vincent POMARÈDE : conservateur des musées de France, département des peintures, musée du Louvre
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