CONSERVATION ET RESTAURATION DES COLLECTIONS PHOTOGRAPHIQUES
Matériaux et principaux types d'altération
La complexité de la conservation-restauration des photographies, dans un monde où la reproduction des images est pratiquement infinie, est avant tout liée à la diversité des procédés techniques – ainsi qu'aux ambiguïtés de terminologie et aux difficultés d'analyse de la fonction patrimoniale de ces objets. La nature des supports et celle des couches sensibles ou protectrices additionnelles ou encore celle des modes de présentation des images sont autant d'éléments qui réagiront différemment aux conditions environnementales et aux manipulations.
Si, historiquement, un très grand nombre de matériaux ont pu être employés, les supports les plus courants sont le verre, les matériaux synthétiques ou le papier. Ce dernier est utilisé tel quel ou, au xixe siècle, avec des liants additionnels. À partir de la fabrication industrielle des émulsions, les supports reçoivent une couche supplémentaire de sulfate de baryum. Au début des années 2000, les tirages noir et blanc ou couleurs sont majoritairement obtenus sur des papiers plastiques (en sandwich entre deux couches de polyéthylène) ou sur polyester opacifié. Les plus anciens supports synthétiques utilisés par l'industrie pour produire des négatifs ou des positifs transparents sont en nitrate de cellulose. Intrinsèquement instables et auto-inflammables à haute température, les films en nitrate de cellulose dégagent par décomposition des gaz toxiques, dangereux pour la santé humaine et néfastes pour les collections avoisinantes. Ils furent donc remplacés progressivement par les supports « de sécurité », en acétate de cellulose. Les liants utilisés dans la fabrication des couches sensibles sont également très nombreux. Les plus courants furent l'amidon, l'albumine, le collodion ou la gélatine, qui tous possèdent des mécanismes d'altération spécifiques et réagissent différemment face à des agents tels que l'humidité, la température, la pollution ou la lumière.
Les photographies argentiques monochromes, qu'elles soient obtenues par noircissement direct, au xixe siècle, ou par développement d'une image latente, sont produites par réaction chimique des sels d'argent à la lumière. Les mécanismes de l'instabilité des grains d'argent, sensibles aux agents d'oxydation, sont bien connus. Soit les sources d'oxydation sont intrinsèques, soit elles sont liées aux émanations de l'environnement. Ces facteurs d'altération sont tous activés en présence d'humidité et de chaleur.
Les photographies en couleurs sont majoritairement formées de colorants organiques. Des modifications dans la balance des couleurs d'images à développement chromogène peuvent subvenir très vite après leur fabrication. La destruction des colorants s'opère principalement à la suite d'un mécanisme d'hydrolyse, d'oxydation ou de réduction chimique. Elle dépend de façon très étroite des conditions de conservation : un stockage au froid augmentera ainsi leur stabilité dans le temps.
À la fin des années 1990, les impressions d'origine numérique ont fait leur entrée dans de nombreuses collections photographiques contemporaines. Elles correspondent à des mécanismes d'impression différents. La stabilité du tracé, colorant ou pigment, doit être distinguée de la qualité du support – souvent un papier pour aquarelle ou gravure. Très utilisés pour produire des épreuves d'artistes, les tirages à jet d'encre sont fondés sur l'injection de microgouttelettes dirigées sur la surface du papier. Il semblerait que ces tirages soient physiquement et chimiquement vulnérables. Leur stabilité à la lumière semble encore inférieure à celle des photographies à développement chromogène. Si les encres pigmentaires micro-encapsulées paraissent[...]
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Écrit par
- Anne CARTIER-BRESSON : directrice de l'Atelier de restauration et de conservation des photographies de la Ville de Paris (A.R.C.P.), Paris
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Médias