CONSIDÉRATIONS POLITIQUES SUR LES COUPS D'ÉTAT, Gabriel Naudé Fiche de lecture
Considérations politiques sur les coups d'État, par G.N.P. à Rome, 1639 : à qui s'adresse cet ouvrage d'une centaine de pages qui paraît initialement en douze exemplaires ? Au cardinal de Bagni, selon la note préliminaire, puissant patron protecteur du bibliothécaire Gabriel Naudé (1600-1653), que sauront reconnaître tous ceux qui pourront déchiffrer ces trois lettres (Gabriel Naudé Parisien).
Le prince et le bibliothécaire
Il est ici question des secrets d'État, et de cette catégorie particulière du coup d'État où s'exercent « tant de fourbes, de tromperies, violences et autres semblables actions injustes ». Les lecteurs et le puissant cardinal romain se voient ainsi entraînés dans une entreprise complexe dont l'auteur montre, tout en s'en défendant, les effets potentiels : « Si je savais que le peu que j'en dirai pût causer quelque abus ou désordre plus grand que celui qui est aujourd'hui en pratique entre les Princes, je jetterai tout maintenant la plume et le papier dans le feu. » Dévoiler, dire quand même, dissimuler en précisant les dangers qu'on encourt, telle est la position, masquée, de Naudé.
Un bibliothécaire sait bien qu'il n'accédera jamais à ce qui se trame dans le cabinet des princes. Mais il connaît la puissance de l'imprimé, et les désordres qu'elle peut causer. Naudé collecte, dans ses Considérations, les libelles, pasquins, et autres feuilles volantes, dont le Marfore (1620) et plus tard le Mascurat ou Jugement de tout ce qui a été imprimé contre le cardinal Mazarin (1649), qui mettent au jour le principe de publicité en politique. D'ailleurs Richelieu, le premier, avait compris le parti que la diffusion de ces opuscules offrait aux stratégies politiques comme à la constitution équivoque d'un espace critique. Publier une théorie des coups d'État peut entraîner des troubles, dangereux s'ils s'avéraient plus grands que ceux communément activés par les princes. Le bibliothécaire et le prince partagent désormais un même espace d'action : celui de la diffusion du secret d'État.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Christian BIET : professeur d'histoire et d'esthétique du théâtre à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification