CONSOMMATION Critiques de la consommation
La critique politique : une société qui fait fausse route
Loin d'apparaître comme un horizon inéluctable, la société de consommation peut être considérée par certains comme une option globale dont les évidences demanderaient à être révisées ou congédiées. L'argument repose sur la prise en compte des effets (pervers) de cette option : quoi qu'on pense et quoi qu'on fasse, il y a des limites que ne manquera pas de rencontrer le modèle dominant de production et de consommation. Ces limites résultent soit de la taille finie des ressources disponibles, soit de l'encombrement des biens mis en circulation, soit des conséquences pour l'environnement, soit des conséquences pour le bien-être et la santé de la population. Ainsi un bien déterminé comme l'automobile demande à être envisagé dans une chaîne d'opportunités et de contraintes. Certes, il dote ses possesseurs d'autonomie, mais il tend aussi à imposer à tous une sorte de norme de mobilité qui rend possible la séparation entre le lieu de résidence, le lieu de travail, le lieu de loisir, comme dans le cas des habitants de villes américaines contraints à des déplacements journaliers importants pour concilier leur vie de famille, leur activité professionnelle, l'accès aux équipements collectifs, l'opportunité de devenir propriétaire. Le « choix » de l'automobile implique des coûts non seulement pour les individus (temps, argent...) mais également pour la collectivité (pollution, construction et maintenance d'équipements, dépenses de santé). Or la mise en cause d'un tel choix ne saurait être que globale : à travers un bien, il s'agit de la légitimité d'un style de vie qu'on peut caractériser comme individualiste et dont le propre est d'obliger les individus atomisés à adopter les mêmes solutions pour des problèmes dont les termes sont semblables pour tous ; il s'agit aussi d'un postulat jusqu'alors indiscuté, le « productivisme », qui tient pour inéluctable l'accroissement sans fin de la production matérielle (l'industrie automobile comme maillon central de l'économie) ; il s'agit, enfin, du postulat selon lequel seul le marché peut procurer les moyens de satisfaction des besoins sociaux (marchandisation). L'alternative au modèle dominant, fondée sur ce que Norbert Elias appelle la conscience de l'interdépendance des individus, met en avant le critère de l'intérêt collectif : à la dispersion de consommateurs lancés dans une course-poursuite sans terme, elle tend à substituer l'accès à des biens et à des services communs (transports publics) ; à l'illimitation des exigences particulières, la limitation selon des règles (interdictions diverses, moteurs « propres ») ; au développement anarchique des prestations marchandes, la solidarité.
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Écrit par
- Louis PINTO : directeur de recherche émérite au C.N.R.S.
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