BRANCUSI CONSTANTIN (1876-1957)
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L’atelier, œuvre d’art totale
Resté à l’écart de la scène parisienne bien qu’il ait affirmé « qu’en art il n’y a pas d’étrangers », Brancusi a rarement exposé en France, où il devint célèbre uniquement à la fin de ses jours, avec la rétrospective de 1952 au Musée national d’art moderne. De fait, loin de tout esprit nationaliste, il associait son art à l’univers entier : « Ma Patrie, ma famille, affirmait-il, c’est la Terre qui tourne, la brise du vent, les nuages qui passent, l’eau qui se verse, le feu qui chauffe. » En 1956, alors qu’il prépare sa succession – il mourra à Paris le 16 mars de l’année suivante –, le sculpteur refuse la proposition américaine de construire à New York, sous l’égide du musée Guggenheim, un musée pour rassembler ses principales œuvres et préfère donner à la France le contenu entier de ses réserves – soit 137 sculptures, 87 socles originaux, plus de 2 500 plaques photographiques – à charge pour l’État de reconstituer, au sein du Musée national d’art moderne, son atelier. Car ce dernier, progressivement agrandi, est plus que son lieu de vie et son espace de création : il s’impose comme une œuvre d’art totale où Brancusi déplace et permute sculptures et socles, composant ainsi des installations éphémères qu’il photographie soigneusement. Surtout, Brancusi y invite visiteurs et visiteuses, soigneusement choisis, à découvrir ses travaux, cachés derrière des toiles et dévoilés progressivement selon tout un cérémonial. Cet espace d’exposition se transforme aussi en lieu de fêtes et de réceptions, en théâtre de dîners mythiques, où le sculpteur met très tôt en scène sa propre légende. En 1926, dans la préface du catalogue de l’exposition présentée à la Brummer Gallery à New York, Paul Morand présente Brancusi en son atelier comme « un homme moderne, un sculpteur de demain ». Il le voit même comme une de ses sculptures, une « de ces formes primitives […] qui avancent vers nous, massivement ».
L’atelier matérialise ainsi une revendication essentielle de Brancusi, qui explique à ses visiteurs : « Ne cherchez pas de formules obscures, ni de mystères. C’est de la joie pure que je vous donne. » Au cœur du Musée national d’art moderne, il annonce toute une direction de l’art d’aujourd’hui, qui ambitionne de réconcilier ce dernier et la vie, de faire de sa pratique et de sa fréquentation la voie privilégiée d’un épanouissement personnel ou collectif, un mode d’expérience et d’invention de soi.
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Écrit par
- Paul-Louis RINUY : professeur d'histoire et de théorie de l'art contemporain, université de Paris VIII
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