CONSTANTINE EDDIE EDWARD CONSTANTINOWSKY dit (1917-1993)
Le 29 octobre 1917, Edward Constantinowsky naît à Los Angeles. Ses parents sont des immigrés russes, chanteurs d'opéra. L'enfant est aussitôt voué à la musique, qu'il étudiera non seulement aux États-Unis, mais en Europe, à Vienne. Ayant fait ses preuves, il est accueilli d'abord au Radio City Music Hall de New York, puis rejoint les Chorus Girls de la Metro Goldwyn Mayer. Sa carrière va s'infléchir après son mariage avec la danseuse Hélène Musil. Il suit sa femme, engagée dans les ballets de Monte-Carlo, arrive en France, perfectionne son français avec l'espoir de plaire au public des cabarets. Sa bonne étoile le guide en 1952 vers Édith Piaf, dont l'amitié efficace lui permet d'oublier très vite le temps où il doublait pour les chansons James Stewart ou Clark Gable ou celui de la campagne électorale de 1944 où il s'était engagé en faveur de Franklin Roosevelt. Onze ans plus tard, à Paris, La P'tite Lili, comédie musicale signée Marguerite Monnot pour la musique, Marcel Achard pour le livret, triomphe sur le Boulevard. Edward devient Eddie Constantine. Il joue savamment de sa voix, cocktail yankee caressant, voluptueux, avec une pointe d'humour.
Lemmy Caution surgit alors dans sa vie. Création du romancier Peter Cheyney, cet énergique petit gars avait conquis les premiers lecteurs de la Série noire ; dans La Môme Vert-de-Gris, de Bernard Borderie (1952), l'agent fédéral, sous les traits d'Eddie Constantine, tuméfie les visages, trouble les esprits, chavire les cœurs. Il déclenche aussi une avalanche de films. « Essayons de faire un autre film, peut-être que celui-ci sera le meilleur », disait Eddie à Bernard Borderie. Sous des identités diverses, mais toujours américaines, Constantine va passer, avec sa décontraction devenue légendaire, de Jean Laviron (Votre Dévoué Blake, 1954) à John Berry (Je suis un sentimental, 1955), de Carlo Rim (Les Truands, 1956) à Henri Decoin (Folies-Bergère, 1956), quitter Patrice Dally (Le Grand Bluff, Incognito, 1957) pour Raoul André (L'Homme et l'enfant, 1956 ; Les Femmes d'abord, 1962 ; Des frissons partout, 1963 ; Ces dames s'en mêlent, 1964). Les années passent et Constantine éprouve quelque lassitude. Enfin Jean-Luc Godard arrive, qui avait fait de lui l'interprète de « La Paresse » dans Les Sept Péchés capitaux (1961). Il prévient sans détour son acteur : « Le film que je veux faire avec toi va tuer Lemmy Caution. » Il ne croit pas si bien dire. Avec Alphaville (1965), sous-titré « Une aventure de Lemmy Caution », un mythe s'envole en fumée, James Bond terrasse Lemmy.
Pour avoir voulu apprendre à dire « je vous aime » à la tendre Anna Karina, alors qu'il doit détruire une ville asservie à un ordinateur, Eddie redémarre de zéro. La cinquantaine est là, les déboires conjugaux se succèdent. Marié pour la troisième fois avec une productrice de télévision, Eddie Constantine s'installe en Allemagne. La troisième phase de sa carrière, moins connue en France, lui offre des contacts fructueux avec Fassbinder, Rosa von Praunheim, Uli Lommel. La peau craquelée mais l'œil resté vif, après avoir rencontré Christopher Petit, Kaurismäki, Lars von Trier, il retrouve en fin de course Godard pour le très beau Allemagne 90 neuf zéro, où il renoue avec Lemmy Caution. Retrouvailles en forme d'adieux. Après avoir joué dans Steps to Heaven d'Andy Bausch, Eddie Constantine meurt à Wiesbaden, le 25 février 1993. Il aura marqué toute une génération de son inaltérable belle humeur.
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Écrit par
- Raymond CHIRAT : historien de cinéma
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