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CONSTITUTION

Constitution roumaine de 1938 - crédits : Keystone/ Getty Images

Constitution roumaine de 1938

Le mot « constitution » a longtemps évoqué des textes considérés comme sacrés et un peu lointains, dont on parlait avec déférence sans toujours avoir une idée bien précise de leur contenu. Cela importait d'ailleurs peu car on admettait volontiers que la Constitution de l'État ne se trouvait certainement pas tout entière enfermée dans quelques articles jetés sur un papier. Une telle idée paraît aujourd'hui bien désuète car ce qui frappe de prime abord c'est la vigueur avec laquelle le terme constitution désigne désormais non seulement un texte mais un texte qui a force de loi, dont des juges se sont emparés et qui est régulièrement opposé au législateur. Essentiellement politique, le concept est devenu presque exclusivement juridique. Autrefois ordre social ou de valeurs, encore diffus, la constitution désigne aujourd'hui une norme juridique (ou un ensemble de normes), volontiers qualifiée de fondamentale, et qui paraît à beaucoup comme la garantie de la liberté, voire la condition de la démocratie. Les questions théoriques et pratiques qui se posent concernent désormais son application et donc aussi son interprétation.

La constitution comme ordre de valeurs

La tentation est certes grande de s'en remettre à l'usage actuel où le mot semble inévitablement renvoyer à un document que chacun présuppose être normatif et contraignant. Il n'en a pas toujours été ainsi, et cela même à l'époque où l'on a commencé à rédiger des constitutions. Autrement dit, le concept de constitution a longtemps évolué entre l'idée d'ordre social et celui de norme juridique fondamentale.

Deux origines très différentes de l'application du mot « constitution » à la sphère du gouvernement sont envisagées. L'une procède d'une analogie naturaliste qui se retrouve aussi bien dans l'Antiquité qu'après la Renaissance. Employé comme synonyme du terme « nature », le mot « constitution » désigne une disposition morale propre à certaines sociétés : on fait référence à la « nature et à la constitution d'une monarchie absolue », on parle de la « constitution naturelle du peuple d'Angleterre » pour expliquer que la mélancolie nordique et le tempérament colérique des peuples du Sud se rencontrent en Angleterre. L'autre correspond à la montée en puissance au milieu du xviie siècle du terme juridique « constitutions » au pluriel. Cet usage rappelle celui qui existait à l'époque romaine où constitutio servait à désigner les décrets impériaux (on parle de constitutions impériales), terme repris jusqu'à nos jours par le droit ecclésiastique de l'Église catholique romaine, le droit canon, pour désigner les lois ou les règlements. Dans la loi médiévale anglaise, et même au début des Temps modernes, il fait référence à des règles écrites spécifiques par opposition à la coutume ou à la convention.

Dans la littérature juridique et politique, le terme renvoie d'abord à une idée d'ordre et désigne un ensemble complexe de phénomènes sociaux. Cet ordre lui-même n'est pas toujours compris de la même façon. Il est appréhendé soit comme un ensemble de valeurs, soit comme un ensemble de faits. À dire vrai, cette ambivalence est elle-même dépendante de la naissance – ou du moins de la claire conceptualisation – de la distinction entre ce qui est et ce qui doit être, entre l'ordre des faits et l'ordre des valeurs. Sans doute cela explique-t-il que nombre d'auteurs restent attachés à l'idée que la constitution doit refléter une réalité sociale préexistante. Quand bien même elle serait une construction artificielle, l'essence d'une constitution consiste en la reproduction des structures profondes de la société qui, dans tous les cas, révèlent la nature humaine.

On peut ainsi comprendre[...]

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Écrit par

  • : professeur de droit, université Paris-X-Nanterre, directeur du Centre de théorie du droit

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Constitution roumaine de 1938 - crédits : Keystone/ Getty Images

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