CONSTITUTION DE LA Ve RÉPUBLIQUE (France)
Contrairement à une opinion dominante, le texte constitutionnel de 1958 a en partie seulement été inspiré par les idées du général de Gaulle. Certes, rappelé au pouvoir à la suite des événements du 13 mai 1958 et apparaissant aux yeux de tous comme l'unique recours, il a été en mesure d'imposer une grande partie de ses conceptions. Mais il ne faut pas oublier que les circonstances (l'abandon par les parlementaires de leur pouvoir constituant à un militaire, qui plus est durant une période de troubles) pouvaient rappeler un précédent fâcheux : celui de juillet 1940. Tout a donc été fait, à l'époque, pour éviter l'amalgame : parmi d'autres mesures moins contraignantes, la loi du 3 juin 1958 prévoyait que le projet de Constitution élaboré par le gouvernement serait approuvé par référendum. De Gaulle tenait beaucoup à ce qu'il le soit à une forte majorité, afin que les vices qui avaient entaché la transition soient effacés à jamais par une onction démocratique incontestable. Pour cela, il lui fallait obtenir le soutien, au moins formel, de l'essentiel des forces politiques de l'époque (lesquelles étaient du reste représentées au sein du gouvernement d'union chargé d'élaborer le projet constitutionnel), ce qui impliquait d'accepter un certain nombre de compromis sur d'importants aspects du régime à venir. Ils furent conséquents, puisque de Gaulle dut transiger notamment sur la composition du Sénat, le domaine d'application du référendum, ou même les fonctions du chef de l'État. Toutefois, ces concessions furent fortement atténuées par la pratique institutionnelle que de Gaulle imposa dès son entrée en fonction comme président de la nouvelle Ve République ; or cette pratique initiale a laissé des traces profondes et durables sur le fonctionnement de nos institutions. On comprend dès lors que ce régime soit devenu difficile à caractériser : pour le décrire, on en est réduit à passer constamment de la lettre (ambiguë) du texte à l'esprit (insaisissable) des institutions – et vice versa.
Pour autant, il est incontestable que sa structure générale présente toutes les caractéristiques du régime parlementaire. Il s'agit cependant d'un parlementarisme si « rationalisé » (pour reprendre l'expression consacrée), qu'il en est devenu déséquilibré – au profit de l'exécutif. Ce régime se distingue également par l'existence – de plus en plus encombrante d'ailleurs – de deux institutions originales (aussi bien au regard de l'histoire constitutionnelle française que vis-à-vis de ses voisins européens) : le président de la République et le Conseil constitutionnel.
Ultra-rationalisation du parlementarisme sous la Ve République
La Ve République est peut-être, avant toute autre chose, une réaction contre les dérives « parlementaires » des régimes précédents. La « rationalisation du parlementarisme » à laquelle il a été procédé dans le texte de 1958 a cependant conduit à une pratique qui dépasse largement les espérances mêmes de ses rédacteurs : force est de constater que le Parlement est aujourd'hui non seulement encadré, mais étouffé.
Un parlementarisme rationalisé
Le système mis en place en 1958 présente a priori tous les traits d'un régime parlementaire classique. Le gouvernement, dirigé par un Premier ministre, « détermine et conduit » la politique de la nation (art. 20), sous le contrôle du Parlement – en réalité surtout de l'Assemblée nationale, qui est la seule (des deux chambres parlementaires) à être élue au suffrage universel direct. Comme dans tous les régimes de ce type, la majorité parlementaire vote donc les lois que le gouvernement qu'elle soutient lui présente. Si toutefois un désaccord durable voit le jour, elle dispose de la faculté de renverser[...]
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Écrit par
- Arnaud LE PILLOUER : professeur de droit public à l'université Paris-Nanterre
Classification
Médias