CONSTITUTION DE LA Ve RÉPUBLIQUE (France)
Deux institutions originales : le président de la République et le Conseil constitutionnel
Rien ne laissait supposer, à la simple lecture du texte de 1958, que le président de la République et le Conseil constitutionnel occuperaient la place qui est la leur aujourd'hui. Il s'agit donc de retracer brièvement l'histoire de leur expansion.
Une présidence de la République marquée par de Gaulle
Dès sa prise de fonction, le général de Gaulle a imprimé sa marque aux nouvelles institutions : contrairement à la lettre de la Constitution, c'est au président qu'il est revenu de nommer mais aussi de congédier le Premier ministre, de fixer les grandes orientations de la politique nationale, et d'intervenir directement dans les domaines de son choix (et pas seulement les affaires militaires et diplomatiques). Le chef du gouvernement, chargé de mettre en œuvre une politique décidée à l'Élysée, n'est donc plus apparu que comme un auxiliaire du chef de l'État.
Comment cette interprétation a-t-elle pu s'imposer comme la pratique « normale » des institutions ? Le président de la République est en réalité parvenu à se subordonner le Premier ministre, et par conséquent à absorber l'essentiel de ses pouvoirs. Or cette subordination résulte elle-même directement du déplacement du soutien de la majorité parlementaire : alors qu'en régime parlementaire ce dernier bénéficie normalement au chef du gouvernement, il est, sous la Ve République, accordé prioritairement au chef de l'État. Cette particularité s'est installée dès la mise en œuvre du texte de 1958 : de Gaulle, appuyé sur une forte légitimité (historique et référendaire, pourrait-on dire), apparaissait alors comme le seul à même de résoudre la crise algérienne, de sorte que même ses opposants l'ont laissé agir à sa guise. Par la suite, il est parvenu à pérenniser cette situation en imposant aux parlementaires l'élection du président au suffrage universel direct, grâce au référendum de 1962 : ce nouveau mode de désignation installait définitivement le chef de l'État dans ce rôle de gouvernant, voire comme « source » et « détenteur » du pouvoir politique (Charles de Gaulle, Conférence de presse du 31 janvier 1964).
La survenue de la « cohabitation » en 1986 a fait voler en éclats le caractère prétendument « naturel » de cette lecture des institutions : le président s'efface presque entièrement et laisse le Premier ministre utiliser ses prérogatives constitutionnelles en toute liberté – comme dans un régime parlementaire « normal ». Cependant, la classe politique, globalement hostile à cette configuration, s'est décidée à en empêcher le retour en instaurant le quinquennat, par la révision constitutionnelle du 2 octobre 2000. L'idée a été de réduire la probabilité de la cohabitation, grâce à la concomitance des élections présidentielle et législatives. Mais telle n'est pas la seule conséquence pratique de l'instauration du quinquennat : il est évident par exemple que la synchronie des mandats présidentiel et parlementaire conduit à une association de plus en plus étroite entre le chef de l'État et l'Assemblée nationale – qui tend à réduire l'influence du Premier ministre.
La Ve République fait donc figure d'exception en Europe, et même dans le monde, du fait de la place occupée par le président de la République. Cette particularité présente de nombreux inconvénients – parmi lesquels on peut signaler, à titre d'exemples : le fait que la démocratie paraisse se réduire de plus en plus à l'élection d'un homme (les législatives étant présentées comme un simple prolongement de la présidentielle) ; que le président puisse prétendre être à la fois le chef d'un camp (vainqueur d'une élection compétitive) et une figure tutélaire,[...]
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Écrit par
- Arnaud LE PILLOUER : professeur de droit public à l'université Paris-Nanterre
Classification
Médias