CONSTITUTION
La constitution comme norme
Le terme constitution n'a donc pas toujours désigné une norme. Mais, sous l'effet du développement des constitutions écrites et de l'avènement des États modernes, l'idée que la constitution est une norme est apparue avec l'évidence qui s'y attache aujourd'hui. Toutefois, ce même concept donne lieu à deux modèles différents, l'un descriptif, l'autre axiologique.
Le modèle descriptif de constitution comme norme serait, idéalement parlant, le modèle proposé par les juristes positivistes, au premier rang desquels figure Hans Kelsen. Le terme « constitution » désigne chez lui les règles organisant la création des normes juridiques générales et notamment de la législation : « à travers les multiples transformations qu'elle a subies, la notion de constitution a conservé un noyau permanent : l'idée de principe suprême déterminant l'ordre étatique tout entier et l'essence de la communauté constituée par cet ordre. De quelque façon qu'on définisse la Constitution, toujours c'est le fondement de l'État [...], c'est la norme qui règle l'élaboration des lois, des normes générales en exécution desquelles s'exerce l'activité des organes étatiques... » Ces règles ou « lois constitutionnelles » forment ce que l'on appelle la « constitution matérielle ». Cette dernière peut être le résultat d'une coutume ou d'une loi formelle écrite que l'on appelle constitution écrite ou encore « constitution formelle » : l'expression désigne alors un document qualifié de constitution, c'est-à-dire une forme susceptible de recevoir n'importe quel contenu et dont la fonction est de « stabiliser les normes que l'on a appelées la constitution matérielle et qui sont la base positive de l'ensemble de l'ordre juridique étatique ».
Il faut insister sur la neutralité axiologique d'un tel concept de constitution qui doit être distingué d'un autre modèle dans lequel, loin d'être réduite à un agencement de compétences, la constitution a une valeur en soi. Selon cette seconde conception, la constitution tire cette valeur de ce qu'elle contient un ensemble de principes légitimes qui sont la condition des « droits fondamentaux » des individus et dont nombre de constitutions modernes dressent un catalogue. Ce dernier peut faire l'objet de deux analyses différentes. L'une, descriptive, y verra une tentative pour prévenir l'adoption de lois dotées d'un contenu déterminé dont le succès dépend de nombreux facteurs ; l'autre, prescriptive, en tirera argument pour justifier une conception axiologique de la constitution et le contrôle de la conformité des lois à la Constitution. Une telle conception n'est, selon Peter Häberle, que la formalisation de ce que l'on a appelé le « constitutionnalisme », qui prend aujourd'hui le nom d'État de droit ou d'État constitutionnel. En effet, dès lors que la constitution est définie comme un ensemble de principes placés au sommet de l'ordre juridique, elle se voit assigner un contenu déterminé, réputé se diffuser dans l'ordre juridique tout entier. Toutes les lois sont conçues comme sa mise en œuvre et toutes les autorités productrices de normes sont supposées lui obéir : elle est une limite à la fois formelle et matérielle à l'action des gouvernants. Enfin, parce que les principes qu'elle contient garantissent la démocratie, on ne saurait parler de démocratie sans constitution ni de constitution sans démocratie. Sans doute est-ce là une des grandes innovations du constitutionnalisme américain de Jefferson, Paine ou Madison et qu'exprimait le juge Marshall lorsqu'il affirmait devant la Cour suprême : « Certainement tous ceux qui ont établi des constitutions écrites les regardent comme formant la loi fondamentale et suprême de la nation, et par conséquent la théorie d'un tel gouvernement doit[...]
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Écrit par
- Pierre BRUNET : professeur de droit, université Paris-X-Nanterre, directeur du Centre de théorie du droit
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