CONSTRUCTION, mathématique
Pendant des millénaires les objets mathématiques ont été considérés comme ayant une existence propre. Depuis la fin du xixe siècle et surtout le début du xxe, on a mis au point une méthodeaxiomatique consistant à tout reprendre afin de donner une base solide à la mathématique à partir du très strict nécessaire. Après de nombreuses crises, on en est arrivé à bâtir cette science sur le socle de la théorie des ensembles, elle-même axiomatisée (par exemple par les systèmes de Zermelo-Fraenkel ou Gödel-von Neumann). Aujourd'hui, tout objet mathématique est (ou plus exactement peut être représenté comme) un ensemble, même si sa genèse résulte souvent d'une chaîne compliquée. Par exemple, une application f d'un ensemble E dans un ensemble F peut être considérée comme un triplet (E, F, G) où G, le graphe de f, est une partie du produit cartésien × [c'est-à-dire des couples (x, y) où x décrit E et y décrit F, un couple (x, y) étant lui-même l'ensemble {{x}, {x, y}}, où {x} représente l'ensemble dont le seul élément est x, et un triplet (a, b, c) étant le couple ((a, b), c), donc un ensemble] telle que, pour tout élément x de E, il existe un y et un seul de F tel que (x, y) appartienne à f ; cet y sera naturellement noté en abrégé y = f(x).
La théorie des ensembles permet, d'après John von Neumann (1903-1957), de construire les objets mathématiques rudimentaires suivants : Ø (le vide), encore noté 0, et, pour tout ensemble x, son « successeur » x+ = x∪{x}. À partir de là, on peut imaginer une suite de successeurs bâtis à partir de 0 de la manière suivante : 1 = 0+ = Ø∪{Ø} = {Ø} = {0}, 2 = 1+ = 1∪{1} = {0}∪{1} = {0,1}, 3 = 2+ = 2∪{2} = {0, 1, 2} et ainsi de suite. Revenant aux notions ensemblistes de base, on peut montrer, de manière fastidieuse, que tous les objets ainsi construits peuvent s'exprimer en fonction du vide et des accolades { et } ; par exemple, ce que nous notons 4 peut s'écrire sous la forme 4={Ø, {Ø},{Ø, {Ø}},{Ø, {Ø},{Ø, {Ø}}}}.
Les axiomes de la théorie des ensembles permettent de dire que l'on a ainsi défini un ensemble infini noté ℕ, dont les éléments, appelés entiers naturels, sont deux à deux distincts et liés par la succession s, définie par s(n) = n+ = n∪{n}. Cet ensemble peut être muni d'opérations internes, dont l'addition, ce qui permet d'écrire plus simplement n+ = n + 1.
On aurait pu d'ailleurs définir autrement cet ensemble, comme muni d'une opération interne injective et non surjective s vérifiant la propriété dite de récurrence : toute partie A de ℕ vérifiant s (A) ⊂ A et distincte de ℕ est incluse dans s (ℕ) ; c'est la construction axiomatique de Peano-Dedekind. Le processus de définition de l'addition et de la multiplication est un peu moins simple qu'il ne pourrait y paraître a priori, mais nous en avons tous une idée intuitive très forte ; pour beaucoup de personnes, c'est même le seul fragment mathématique qui serve quotidiennement.
Ainsi forts d'une théorie cohérente des entiers naturels, nous pouvons construire les autres ensembles de nombres assez facilement, à l'exception de l'un d'entre eux (celui des nombres réels). Voici quelques explications destinées à faire comprendre comment définir, à partir de ℕ, les ensembles ℤ (entiers relatifs), ℚ (rationnels), ℝ (réels) et C (complexes).
La construction de ℤ et celle de ℚ sont très voisines. Développons un peu la première. Une fois définie l'opération d'addition dans ℕ, il est naturel de se demander si, a et b étant donnés, il existe un x tel que a = b + x. Ce nombre est la différence de a et de b : si a est supérieur ou égal à b, il n'y a aucun problème, on dispose alors d'une opération partielle, la soustraction, notée avec le signe « moins », et[...]
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Écrit par
- André WARUSFEL : universitaire
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