CONSTRUCTIVISME, mathématique
Le constructivisme est une philosophie des mathématiques définie par deux composantes. Au plan ontologique, le constructiviste considère les objets mathématiques, non comme existant « par eux-mêmes », mais comme le résultat des constructions mentales du mathématicien. Au plan méthodologique, il insiste sur l'importance des preuves dites « constructives », c'est-à-dire des démonstrations qui, si elles concluent à l'existence d'un objet, donnent une méthode permettant d'en produire effectivement un exemplaire, au lieu de se contenter d'établir que l'inexistence de l'objet conduirait à une contradiction. Par exemple, la démonstration par Euclide (ive-iiie siècle avant J.-C.) du théorème établissant l'existence d'une infinité de nombres premiers peut être qualifiée de constructive, puisqu'elle spécifie, un nombre premier p étant donné, qu'il s'en trouvera un autre avant p !+1, l'intervalle de recherche pour le nombre premier suivant étant ainsi borné.
Naturellement, l'intérêt méthodologique particulier des preuves constructives – elles donnent plus d'informations que les autres – n'échappe à personne, et notamment pas aux réalistes « platoniciens », qui tiennent, quant à eux, que les objets mathématiques ne sont pas nos créations. Aussi, la différence entre les constructivistes et leurs adversaires tient au fait que, pour les premiers, et non pour les seconds, les preuves non constructives ne sont pas, au sens strict, des preuves. Comme les preuves non constructives abondent dans les mathématiques classiques, le constructivisme est donc une philosophie révisionniste, qui s'attache à réformer les mathématiques classiques en limitant leurs méthodes aux procédés constructifs.
Différentes variétés de constructivisme
De nombreuses variétés de ce constructivisme ont vu le jour depuis la fin du xixe siècle. Parmi les plus importantes, on peut citer, par ordre approximativement chronologique :
– la doctrine des « semi-intuitionnistes » français [René-Louis Baire (1874-1932), Émile Borel (1871-1956), Henri Lebesgue (1875-1941)], qui n'accorde d'existence qu'aux objets mathématiques explicitement définis ;
– le prédicativisme d'Henri Poincaré (1854-1912), qui plaide pour l'abandon des définitions « imprédicatives » où un objet est défini par référence à une collection à laquelle il appartient lui-même (si l'on cherche à construire la collection en question en introduisant successivement les objets qui la composent, on ne saurait introduire l'objet ainsi défini sans que la construction soit achevée, alors même que l'achèvement de la construction repose sur cette introduction) ;
– l'intuitionnisme de Luitzen Brouwer (1881-1966) et Arend Heyting (1898-1980), qui rejette certains principes de la logique classique, comme celui du tiers-exclu (A ou non A) ;
– le finitisme de David Hilbert (1862-1943), qui requiert que le raisonnement mathématique s'applique à des assemblages de symboles quasi concrets ;
– le constructivisme russe [Andreï Andreïevitch Markov (1856-1922), Nikolaï Alexandrovitch Shanin (né en 1919)], qui n'admet d'entités qu'autant qu'elles puissent être codées par des entiers naturels ou par des mots extraits d'un alphabet fini ;
– le constructivisme d'Errett Bishop (1928-1983), qui n'admet comme opérations mathématiques que celles qui correspondent à des algorithmes informatiques.
Ces traditions se séparent les unes des autres, selon qu'elles réservent leurs critiques à certaines techniques usuelles de définition des objets mathématiques, ou qu'elles adressent aussi des objections à la logique classique elle-même. La situation suivante montre, en effet, qu'une telle remise en question supplémentaire peut être[...]
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Écrit par
- Jacques-Paul DUBUCS : chargé de recherche au C.N.R.S.
Classification
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