CONSULAT
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La pacification extérieure
À l'avènement du Consulat, la France était en guerre avec l'Europe comme avec elle-même. La paix extérieure n'était pas moins urgente que la pacification intérieure. La lutte des coalitions contre la Révolution durait depuis sept ans et demi. L'Angleterre semblait ne pouvoir se résoudre à l'occupation d'Anvers et, sur le continent, le grand adversaire demeurait l'Autriche appuyée par la Russie. La disparition de la Pologne, l'éclipse de la Suède, la rupture avec la Turquie privaient la République de ses alliés traditionnels à l'est au moment où la Russie faisait une entrée en force dans les affaires occidentales. Mais si la puissance de la Russie était colossale, comparée à celle des États européens, son souverain Paul Ier, héritier de la Grande Catherine, était mentalement instable.
La pacification du continent
Avant de jouer la carte russe, Bonaparte s'adressa tour à tour à l'Angleterre et à l' Autriche pour leur faire des offres de paix. Il se heurta à des réponses négatives ou dilatoires. Deux négociations pouvaient alors être envisagées : ressusciter contre l'Autriche l'alliance turque de François Ier, ou bien choisir l'alliance prussienne à l'exemple de Louis XV. Malheureusement Descorches de Sainte-Croix, envoyé à Constantinople pour y négocier l'occupation de l'Égypte, voit sa mission rendue sans objet par la capitulation des forces françaises à El-Arich. Quant à Berlin, où Bonaparte envoie Duroc puis Beurnonville, Frédéric-Guillaume ne se montre pas hostile à un rapprochement, mais son ministre Haugwitz n'offre finalement que la médiation de la Prusse.
Coup de théâtre : Kléber, dont la capitulation à El-Arich n'a pas été reconnue par les Anglais, remporte la victoire d'Héliopolis. Pour sauver la conquête égyptienne à laquelle le consul – poursuivant son vieux rêve oriental – accorde une particulière importance, il ne faut plus discuter mais dicter la paix. C'est la seconde campagne d'Italie.
Une manœuvre audacieuse, le passage du Grand-Saint-Bernard, qui rappelle Hannibal, permet à Bonaparte de tourner l'armée autrichienne. La bataille de Marengo, le 14 juin 1800, mal commencée, finit bien grâce à l'arrivée de Desaix. Mais elle ne signifie pas la fin de la guerre : la partie décisive se joue aux portes de Vienne, à Hohenlinden, où triomphe Moreau le 3 décembre.
Son traité de subsides avec l'Angleterre interdisait à l'Autriche toute paix séparée avant février 1801. De là les retards dans les conférences qui s'ouvrent à Lunéville en octobre 1800 et le fait que les négociateurs ne tomberont d'accord que le 9 février 1801. François II reconnaît à la France l'extension de son territoire à la limite du Rhin jusqu'à la frontière de son alliée batave et ratifie tous les changements entraînés par ses victoires. En revanche, l'Autriche garde la Vénétie, l'Istrie et la Dalmatie. Ainsi le traité de Lunéville assure-t-il la pacification du continent en effectuant une sorte de partage de l'Europe méridionale entre Paris et Vienne.
La fragile paix d'Amiens
Restait l'Angleterre, agrandie de l'Irlande par l'Acte d'union du 5 février 1800. Malgré la suprématie de ses flottes, la conquête des colonies que possédaient la France et la Hollande, ses principales rivales, la fructueuse contrebande avec les colonies d'Amérique espagnole, la prise imminente de l'Égypte et les progrès de Wellesley aux Indes, l'Angleterre s'inquiète du nouveau prestige de la France qui marque ses propres élites. Pour sa part, Bonaparte n'ignore pas qu'il ne peut vaincre son adversaire sans avoir la maîtrise des mers. Aussi fait-il conclure le 1er octobre 1800, à Saint-Ildefonse, un pacte secret avec l'Espagne : moyennant la promesse pour la branche cadette, représentée par l'infant, duc de Parme, d'un royaume italien formé de la Toscane et des Légations, il obtient la Louisiane et six navires de guerre. La veille a été signé avec les États-Unis le traité de Mortefontaine qui établit entre les deux républiques « une paix ferme, inviolable et universelle ». Bonaparte esquisse aussi un rapprochement avec le tsar auquel il renvoie les prisonniers russes équipés de neuf. Paul Ier met sur pied en décembre 1800 une Ligue des Neutres (Suède, Danemark, Prusse) : elle ferme par l'occupation de Hambourg et du Hanovre les débouchés essentiels du commerce britannique. Cette période est marquée par une activité diplomatique intense des agents français : le traité d'Aranjuez confirme, le 21 mars 1801, les stipulations de Saint-Ildefonse ; par celui de Florence, le 29 mars, le roi de Naples cède l'île d'Elbe à la France et ferme ses ports aux Anglais ; à l'instigation de Paris, le ministre espagnol Godoy livre au Portugal soumis à l'influence britannique la courte « guerre des oranges » ; enfin, des accords sont conclus avec Alger, Tunis et Tripoli.
L'inquiétude des « océanocrates » s'accroît d'autant plus que leur industrie traverse une crise et que de mauvaises récoltes rendent des importations de grains indispensables en Angleterre. Malgré l'assassinat de Paul Ier et le bombardement de Copenhague par la flotte britannique qui précipitent la dissolution de la Ligue des Neutres, le nouveau secrétaire au Foreign Office, Hawkesbury, est décidé à traiter avec la France. Au terme de négociations orageuses, la paix d'Amiens est signée le 25 mars 1802 par Cornwallis et Joseph Bonaparte.
Paix précaire en réalité, Sheridan, reprenant aux Communes un mot de Burke qui voyait en 1790 « un vide à la place de la France sur la carte de l'Europe », s'exclamait : « Regardez maintenant cette carte, on n'y aperçoit partout que la France ! » C'est dire que l'attention de l'Angleterre restait en éveil devant les visées expansionnistes du Premier consul, notamment en Méditerranée. En avril 1803 c'est à nouveau la rupture ; la guerre, cette fois, ne se terminera qu'à Waterloo.
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Écrit par
- Marcel DUNAN : membre de l'Institut, professeur honoraire à la faculté des lettres et sciences
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