CONSULAT
Le redressement intérieur
La Constitution de l'an VIII instituait quatre assemblées : le Conseil d'État, le Tribunat, le Corps législatif et le Sénat. L'expérience révolutionnaire avait montré le danger des entraînements ou des improvisations d'assemblée. Les conseillers d'État élaboraient les lois ; les tribuns les discutaient sans les voter ; les législateurs les votaient sans les discuter, tranchant les éventuels conflits entre les deux précédentes assemblées ; le Sénat, inamovible, veillait au respect de la Constitution.
Décennaux et rééligibles, trois consuls remplacent les cinq directeurs, mais il existe entre eux une hiérarchie. En fait, seul le Premier consul exerce vraiment le pouvoir présidentiel, ce pouvoir « à l'américaine » qu'avaient tant redouté les révolutionnaires. Il promulgue les lois, nomme et révoque ministres, conseillers d'État, ambassadeurs, officiers... Les deux autres ont seulement voix consultative. « Qu'y a-t-il dans la Constitution ? dit-on à Paris. Il y a Bonaparte. »
Assuré par le référendum – première manifestation d'un régime qui se voudra plébiscitaire – de l'appui des Français, le Premier consul se met au travail, remarquablement conseillé par ses deux collègues, Cambacérès et Lebrun.
De toutes ses créations, la plus importante est l'organisation par la loi du 28 pluviôse (17 févr. 1800) de l'administration régionale et locale fondée sur une base – centralisation à restaurer et vie provinciale et communale à respecter – dont un siècle et demi de changements de régime a confirmé l'habile compromis. Dans le cadre général des départements (98, y compris la Belgique et Genève), 400 subdivisions, appelées arrondissements, groupent les communes. À la tête de ces différentes divisions administratives sont placés un préfet, un sous-préfet, un maire, respectivement assistés de trois conseils : général, d'arrondissement, municipal.
Alors que les juges comme les administrateurs deviennent des fonctionnaires nommés et appointés par l'Exécutif (avec toutefois maintien du jury), la loi du 27 ventôse (18 mars 1800) installe près de chaque tribunal un commissaire du gouvernement, reconstitue des cours d'appel et coiffe l'ensemble des juridictions d'une Cour de cassation nommée par le Sénat.
Tandis que l'unification du droit français est confiée au Conseil d'État, l'indispensable redressement financier fait naître une autre hiérarchie de fonctionnaires pour remédier aux abus des fermes et autres modes de perception : des directeurs et contrôleurs des contributions sont établis pour la répartition de l'impôt, des receveurs et des percepteurs pour son recouvrement. Gavidin, grand maître des finances, restaure le crédit et rétablit l'équilibre budgétaire. Il s'agissait surtout d'avoir un établissement bancaire dont les billets échappent au souvenir fâcheux des assignats. La Banque de France, créée en février 1800, est d'abord un établissement privé, mais contrôlé par l'État : elle est autorisée à émettre un papier-monnaie accepté pour sa valeur intégrale par les caisses publiques. Quant au retour à la monnaie de cuivre, d'argent et d'or, il est à l'origine de la prestigieuse vitalité du franc germinal.
L'œuvre du Consulat a été considérable. Grâce à la popularité qu'elle lui valut, Bonaparte put faire glisser sans difficulté le régime vers un pouvoir monarchique. Après la paix d'Amiens, un plébiscite accordait, par 3 568 000 oui contre 8 000 non, le Consulat à vie à Napoléon Bonaparte, avec le droit souverain de grâce et celui de désigner son successeur. Une cour, encore discrète, fait son apparition ; la création de la Légion d'honneur (19 mai 1802) laisse prévoir un rétablissement de[...]
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Écrit par
- Marcel DUNAN : membre de l'Institut, professeur honoraire à la faculté des lettres et sciences
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