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CONTE

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L'enfant et le conte

Le frontispice de l'édition originale des Contes du temps passé de Perrault (1697) représente une paysanne filant au coin du feu et faisant de beaux contes aux enfants qui l'entourent. Contes de vieilles, contes de servantes ou de nourrices, disait-on pour désigner ce que Cicéron appelait déjà des fabulae aniles. Ce stéréotype très ancien a permis de confondre dans le même mépris la tradition orale avec l'univers domestique, celui des femmes et des petits enfants. Or, dans les sociétés traditionnelles, les contes étaient destinés aux adultes. C'est seulement à partir du xviie siècle en France que le répertoire de la littérature orale et celui de la littérature de jeunesse ont été confondus.

L'amalgame a sans doute été favorisé par le fait que les enfants, admis aux veillées paysannes qui rassemblaient la communauté tout entière, y ont pris du plaisir et se sont appropriés peu à peu ces histoires pour grandes personnes. Ce goût de l'enfant pour le conte – et particulièrement pour le conte merveilleux – a été diversement expliqué.

La première hypothèse avancée par les psychologues, c'est que les contes fournissent à l'enfant un univers aisément déchiffrable parce que fondé sur des oppositions très marquées entre petits et grands, riches et pauvres, bons et méchants. Ce dernier clivage ne correspond pas toujours à une antithèse d'ordre éthique, puisque les valeurs positives se trouvent par définition du côté du héros. Or les recherches de Piaget et de Wallon ont montré que l'enfant est incapable de concevoir des séries graduées d'objets : le monde s'ordonne pour lui autour de couples contrastés qui ne comportent pas d'intermédiaire. Les contes merveilleux ne fonctionnent pas autrement.

Par ailleurs, le schéma narratif de ces contes fournit à l'enfant ce qu'Éric Berne appelle un « scénario de gagneur ». Au début du récit, le héros est défavorisé par sa taille ( le Petit Poucet, la Moitié-de-Coq), son apparence physique (Riquet à la houppe), son intelligence (c'est un « songe-creux », un idiot de village), sa condition sociale (il n'a pas un sou vaillant) et surtout par son âge (il est presque toujours le cadet de la famille). Il va cependant affronter toutes les épreuves, et il viendra à bout de plus puissant que lui. Message optimiste pour l'enfant, qui retrouve dans les handicaps du héros une image de sa situation dans l'univers des adultes. La moralité du Petit Poucet de Perrault n'exalte-t-elle pas la victoire du « petit marmot », d'abord méprisé, méconnu, et qui pourtant triomphe de l'Ogre ?

Pour Bruno Bettelheim, le conte a surtout le mérite d'exprimer des réalités que l'enfant pressent mais dont il ne veut pas – ou ne peut pas – parler. Ainsi les plus célèbres de nos contes merveilleux évoquent à mots couverts le tabou de l'inceste (Peau d'Âne fuit son père qui voudrait l'épouser), la crainte de la castration (le loup de Prokofiev a la queue coupée), la scatologie (dans les versions orales anciennes, le loup des Trois Petits Cochons détruit les maisons non par le souffle, mais par la seule force de son pet destructeur). La sexualité est donc présente dans les contes, mais sous une forme symbolique qui sollicite l'inconscient de l'enfant. « – Où faut-il mettre mon tablier ? », demande le Petit Chaperon rouge de la version nivernaise. « – Jette-le au feu, mon enfant, tu n'en as plus besoin », dit le loup. Pour chaque pièce du vêtement, le dialogue se répète, sans que jamais la fillette s'étonne de l'étrange réponse qui lui est faite. Elle effectue docilement son strip-tease, elle sait et ne sait pas, elle veut et ne veut pas ce qui va arriver. Il en est de même pour l'enfant pour qui tout le plaisir du[...]

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