CONTES DE FÉES, Madame d'Aulnoy Fiche de lecture
La comtesse d'Aulnoy (Marie Catherine Le Jumel de Barneville, baronne d'Aulnoy, 1650-1705) est surtout connue, au xviie siècle, pour le scandale énorme dont elle a été l'objet. Elle fut en effet convaincue, en 1669, d'avoir dénoncé à tort son mari, le baron d'Aulnoy, pour avoir tenu des propos outrageants contre le roi. Cette calomnie, qu'elle et sa mère avaient diffusée pour se débarrasser d'un soudard avec lequel il devait être difficile de vivre, mena les deux gentilshommes normands qui les avaient aidées à l'échafaud, et obligea la mère et la fille à s'enfuir d'abord dans un couvent, puis en Flandre, et peut-être en Angleterre et en Espagne. En 1685, Mme d'Aulnoy put revenir à Paris, où elle tint salon dans le quartier Saint-Sulpice. C'est là, devant la princesse de Conti, Mme et Mlle Deshoulières, qu'elle contait ses histoires de fées. Souvent entourée d'enfants, elle composa « La Chatte blanche », « L'Oiseau bleu » et « Le Nain jaune », et sut intéresser ses hôtes galants au point de devoir publier, avec succès, ce qui n'était d'abord que des thèmes de conversation brillante. En 1699, cette femme étonnante fut soupçonnée d'avoir participé à une tentative d'assassinat dans laquelle une amie très proche, Mme Ticquet, était impliquée. Mais il n'y eut, cette fois, aucune suite.
Parallèlement à cette vie aventureuse, Mme d'Aulnoy, dans l'un des nouveaux genres que les femmes-écrivains pouvaient investir, était donc à même de concurrencer les meilleurs contes de Perrault. Après la publication de deux contes (« L'Île de la félicité » en 1690, inclus dans le roman d'Hippolyte, et « Mira » en 1690 inclus dans la Relation du voyage d'Espagne), l'un romanesque, l'autre parodique, Mme d'Aulnoy, en 1697, publie les quatre volumes des Contes de fées, où figurent notamment « La Belle aux cheveux d'or », « L'Oiseau bleu », « Finette et Cendron », « Le Nain jaune », « Serpentin vert ». Au printemps suivant (1698), paraît le tome I des Contes nouveaux, ou les Fées à la mode (« La Princesse Carpillon », « La Grenouille bienfaisante » et « La Biche au bois »), vite suivi d'un second tome qui comprend un récit d'encadrement à l'histoire de « La Chatte blanche », puis à d'autres contes. Il s'agit donc de présenter une histoire-cadre, celle d'un gentilhomme bourgeois qui, en Normandie, offre à d'autres personnages des contes qui servent à l'intrigue. C'est plus tard, à la fin du xviiie siècle, que les contes seront séparés de l'histoire-cadre et rassemblés dans un recueil, sous le titre Le Cabinet des fées.
Le merveilleux redécouvert
Il est donc ici question du merveilleux moderne, sensible et galant, qui peut inventer toutes sortes de personnages et de lieux et les mettre au contact de la vie parisienne, quitte à ce que la fantaisie tourne à la parodie et à la critique. Car parler des rois et des reines du pays des fées permet de dire, par exemple, qu'un roi et une reine qui font mal leur affaire peuvent être chassés du royaume (« Finette et Cendron »). Quelques réflexes aristocratiques d'après la Fronde se joignent ainsi aux narrations, puisque le genre implique qu'on soit libre d'inventer des situations particulières qui permettent de penser les vides juridiques et les inégalités dues au pouvoir absolu des rois et des pères. Aussi, pourquoi ne pas inventer qu'on peut élire les rois et les reines, par la volonté des peuples et des fées ? De même, le déplacement dans l'univers animal, on le sait grâce aux fables – en particulier celles de La Fontaine –, dit assez qu'il est intéressant d'imaginer la manière dont le passage à l'animalité révèle les impasses de l'humanité,[...]
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Écrit par
- Christian BIET : professeur d'histoire et d'esthétique du théâtre à l'université de Paris-X-Nanterre
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