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CONTES DE LA BÉCASSE, Guy de Maupassant Fiche de lecture

Maupassant - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Maupassant

Les Contes de la bécasse (1883) constitue le troisième recueil de nouvelles de Guy de Maupassant (1850-1893), succédant à La Maison Tellier (1881) et Mademoiselle Fifi (1882). Alors âgé de trente-trois ans, Maupassant est un auteur célébré, dont les nouvelles paraissent régulièrement dans les journaux. À l'exception de deux contes (« Saint Antoine » et « L'Aventure de Walter Schnaffs », écrits et ajoutés in extremis afin de « grossir » le volume), les quinze autres ont tous déjà paru, du 19 avril 1882 au 11 avril 1883, dans des quotidiens, Le Gaulois et le Gil Blas. Un contrat est signé avec les éditeurs Rouveyre et Blond en 1883 – la même année où l'éditeur Havard met sous presse le roman Une vie, paru lui aussi déjà en feuilleton dans le Gil Blas. Pour Maupassant, il s'agit tout d'abord d'une opération commerciale.

C'est d'ailleurs Maupassant lui-même qui dresse la liste des personnes auxquelles il faut envoyer les Contes de la bécasse – chaque conte étant dédicacé à une personnalité différente (l'écrivain Joris-Karl Huysmans, le critique Paul Bourget...). Est-ce à cause du titre lui-même, qui, contrairement aux précédents volumes, ne reprend pas directement celui d'une nouvelle ? Est-ce le prière d'insérer qu'il écrit de sa main, précisant notamment : « Ce qui distingue particulièrement ce dernier ouvrage de l'auteur de La Maison Tellier et d'Une vie, c'est la gaieté, l'ironie amusante » ? Toujours est-il que l'accueil de la critique n'est guère enthousiaste (deux articles dans Le Gaulois et dans Le Siècle, puis un autre, mitigé, de Jules Lemaître dans La Revue bleue, en novembre 1884). Le public, lui, ne s'y trompe pas, qui fait un vrai succès au livre : on compte sept réimpressions dès la première année. En 1887, Rouveyre et Blond ayant fait faillite, Havard réédite les Contes de la bécasse. Le titre lui déplaisant, il voulut le changer. Maupassant s'y opposa : « C'est une supercherie peu digne qui sent la réclame de mauvais aloi. »

Traquer les mesquineries et les ridicules

A priori, l'œuvre peut sembler n'être qu'un assemblage sans cohérence de textes. De chasse, il est peu question. On songe pourtant aux Mémoires d'un chasseur de Tourguéniev que Maupassant connaissait et admirait. Surtout, le récit liminaire met en scène un vieux chasseur auquel ses amis viennent raconter différentes histoires. La Normandie – pays de Caux et pays d'Auge – en constituera le cadre essentiel. Ainsi, d'un récit à l'autre, une ligne se dessine. Celle des peurs et des obsessions de Maupassant – angoisses de la mort et de la folie, de la sexualité et d'un monde âpre, dur, difficile aux humbles, à ceux qui méritent compassion ou pitié même lorsqu'ils se révèlent insupportables ou ridicules. C'est vrai pour ce pauvre « cochon de Morin » dont l'existence sera brisée parce qu'il a cru, stupidement, au sourire d'une jeune fille moins innocente qu'elle ne le paraît. En le menaçant d'un procès, elle le perdra aux yeux de tous, lui retirant toute considération et dignité au point que le pauvre homme en décédera bientôt : « Je retournai chez Morin. Je le trouvai dans son lit, malade d'émotion et de chagrin. Sa femme, une grande gaillarde osseuse et barbue, le maltraitant sans repos. Elle m'introduisit dans la chambre en me criant par la figure : “Vous venez voir ce cochon de Morin ? Tenez, le voilà, le coco !” » C'est vrai pour le maître de ballet suranné d'un « Menuet » que l'on ne danse plus depuis que les rois ne sont plus. C'est vrai, encore, de la brave fille des « Sabots », « vendue » comme servante par des parents avides d'argent qui, lorsqu'elle est enceinte de son maître, n'ont en tête que les profits attendus d'un mariage obligé.[...]

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Écrit par

  • : journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à La Croix

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Maupassant - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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