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CONTES DE MA MÈRE L'OYE

Au xviie siècle, cette expression, comme celle de contes de Peau d'Âne, est synonyme de contes de fées. Le titre d'un conte particulièrement connu (ici, celui de Berthe au grand pied, autrement dit celui de La Reine Pédauque, pourvue, comme son nom l'indique, de pattes d'oie) sert de dénomination générique pour désigner l'ensemble de ces récits. Autres synonymes significatifs que l'on découvre dans la première édition du Dictionnaire de l'Académie française (1694) : contes « bleus », contes « violets ». Appellation qu'il faut rapprocher du titre de certaines collections destinées au grand public de notre époque et qui associent avec habileté une couleur symbolique au type de plaisir promis au lecteur : Bibliothèques verte, rose, rouge et or, blanche, Séries noire, blême, etc. L'expression « Contes de ma mère l'Oye » aurait vraisemblablement sombré dans l'oubli comme cela risque d'arriver à certaines de celles qui viennent d'être citées. Un hasard l'a maintenue jusqu'à nos jours. On la retrouve dans le cartouche qui orne le frontispice du recueil de contes en prose publié en 1697 par Charles Perrault. Est-ce à cause de son caractère énigmatique ? Elle a connu une étrange fortune et s'est imposée au point que le grand public croit d'une manière assez générale que c'est là le titre du célèbre petit livre qui, en fait, porte celui de Histoires ou contes du temps passé avec des moralités. Une analyse interdisciplinaire, à partir de données convergentes, a montré, en 1972, que le titre de Contes de ma mère l'Oye superposé au premier et fort étrange est, en réalité, le plus bref des Contes de Perrault et un épisode de la querelle des Anciens et des Modernes : une croyance populaire prétendait que les oies et les jars mutilaient les petits garçons. Ce sous-titre apparaît donc comme une allusion à l'impuissance de Boileau qui, en réalité, n'a pas, comme de mauvaises langues le prétendent encore à notre époque, été castré par un oiseau de basse-cour, mais fut opéré de la pierre à l'âge de onze ans, ce qui entraîna pour lui « un certain nombre d'incommodités ».

Ce célèbre recueil, qu'on croit écrit pour la jeunesse, ne contient en réalité qu'un seul récit du répertoire enfantin proprement dit : Le Petit Chaperon rouge. C'est aussi le seul conte qui finisse mal. On comprend aisément pourquoi : il s'agit d'un texte destiné à faire peur aux enfants, à les avertir des dangers de la forêt. Les sept autres récits, qui appartiennent originairement au répertoire adulte, sont déjà, dès le xviie siècle, considérés comme des contes à dormir debout et de plus en plus réservés à l'enfance. L'adaptateur, toutefois, joue adroitement de l'ambiguïté. Il multiplie les formulettes, insiste sur les rythmes ternaires et sur les structures qui, par leur simplicité, conviennent à l'enfance, mais, en même temps, il ne cesse de penser au public « de la Cour et de la Ville », multiplie les références aux coutumes mondaines de l'époque et les sous-entendus scabreux.

Le colportage puis l'imagerie d'Épinal ont contribué au succès des Contes de ma mère l'Oye ; mais sa période de plus grande diffusion se situe au xixe siècle, et, plus exactement, à partir de 1833, date de la loi Guizot sur l'enseignement primaire, qui amorce l'alphabétisation massive de la France. Les masses populaires, qui sentent la culture orale menacée par l'imprimé, se raccrochent, semble-t-il, à ce recueil qui contient plusieurs contes construits autour d'un héros qui reflète la condition et les espoirs populaires : un cadet défavorisé au départ, comme le Petit Poucet, le futur marquis de Carabas ou Cendrillon, et qui, à force d'esprit et de persévérance,[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres et sciences humaines, professeur émérite à l'université de Paris-VII-Jussieu

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Autres références

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    Faut-il, avec l'abbé E. Boissard (1886), identifier Barbe-Bleue...

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