CONTES FOLKLORIQUES, Itzhac Leibouch Peretz Fiche de lecture
Reconnu comme l'une des œuvres majeures d'I L. Peretz (Pologne, 1852-1915) et comme un tournant dans l'histoire de la littérature moderne en langue yiddish, cet ensemble de contes ne constitue pourtant pas un ouvrage aux contours parfaitement définis. Les deux séries publiées du vivant de l'auteur sous ce titre, qu'on traduira plus exactement par Histoires à la manière populaire (Varsovie, 1908 et 1913), ne réunissent qu'une vingtaine de textes, tandis que l'édition posthume de ses œuvres complètes (New York, 1920) en regroupe, sous la même dénomination, vingt-sept. Les responsables d'éditions ultérieures ont encore ajouté ou retranché quelques récits. Cette fluctuation ne remet pas en cause l'unité de ton de l'ensemble.
Retour aux sources
Pendant la plus grande partie du xixe siècle, la littérature juive moderne, en yiddish et en hébreu, se construit en Europe orientale dans le feu du combat pour la modernisation des mentalités et des institutions. Cultivant sous tous les genres une veine acerbement satirique, elle se bat sans relâche contre les superstitions, et contre le hassidisme accusé de les propager. L'arrivée de Peretz sur la scène littéraire coïncide avec l'épuisement de cette période. Il renoue avec le récit hassidique traditionnel oral ou écrit, ainsi qu'avec les récits fantastiques populaires dont l'origine remonte parfois au Talmud. Là où ses prédécesseurs ne voyaient au mieux que matière à parodie, il découvre des sources d'inspiration. Il les magnifiera grâce à un style qui doit beaucoup aux meilleures pages des contes de Rabbi Nahman de Bratzlav : « Et en même temps que le soleil, sombrait au-delà du ciel la bête portant inscrit sur son front le mot „vérité“, tandis qu'avec la lune émergeait de l'autre côté la bête au galon argenté sur son front, où était inscrit le mot „foi“... »
Martyrs et pécheurs, âmes muettes, saints rabbis et anges sont les principaux personnages de ces Histoires. Dans « Trois présents », une âme n'ayant pas assez de mérites pour être admise au paradis doit chercher sur terre trois cadeaux capables de plaire à ceux qui y demeurent déjà ; trois témoignages du martyre des Juifs pour leur foi lui ouvriront les portes. « Le Songe d'un précepteur lituanien », « Le Métayer » ou « La Passion des vêtements » sont des exemples d'histoire de péché et d'expiation. Les héros de « Miracles en haute mer », « Écoute Israël ou la contrebasse » et « Le Trésor » sont des êtres simples qui endurent les épreuves les plus difficiles et atteignent le salut par leur amour muet de Dieu. Plusieurs figures légendaires du panthéon hassidique assurent de leur clairvoyance souriante le dénouement heureux d'aventures comme « Rabbi Israël le Maître du Nom arrange un mariage », « Les Fiancés ou Sore Bas-Toyvim », « C'est bon » ou « La Pâque des chiens ». Anges et démons jouent un rôle un peu burlesque dans « Au chevet d'un agonisant », ou « Pour une pincée de tabac à priser ».
Si Peretz se borne parfois à refondre dans son langage un thème parfaitement identifié, la plupart de ses contes sont le résultat d'une élaboration bien plus complexe qui recourt à des sources juives et non juives. C'est le cas de « Abnégation ». Hananya, très jeune et brillant talmudiste, a offensé ses collègues par son arrogance de savant. Condamné à l'oubli total du savoir dont il a mésusé, il sait que l'humilité et l'amour d'une jeune fille à l'honnêteté parfaite pourraient lui rendre la mémoire. Mais il ignore que seule la mort, huit jours après ses noces, achèvera son expiation. Or la jeune fille qui par amour va l'épouser apprend ce que le destin lui réserve. Elle trouve moyen de mourir à sa place, et, lorsque le tribunal céleste refuse son sacrifice et ordonne à son[...]
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Écrit par
- Yitzhok NIBORSKI : maître de conférences de langue et littérature yiddish à l'Institut national des langues et civilisations orientales
Classification
Autres références
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PERETZ ITZHAC LEIBOUCH (1852-1915)
- Écrit par Isaac POUGATCH
- 1 091 mots
Érudit, profondément imprégné de culture juive, Peretz a tiré du fonds talmudique et post-talmudique traditionnel, la substance de ses remarquables recueils de Contes folkloriques(Folkstimlikhè geschikhtn), plus savoureux, plus ciselés les uns que les autres et dont on ne citera que : La Lanterne...