Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CONTEXTE, arts

La notion de « contexte », apparue conjointement à celle de « milieu » dans les préoccupations positivistes des années 1860, est devenue centrale en histoire de l'art au cours de la seconde moitié du xxe siècle, sans toutefois susciter de véritable théorisation. Établi selon des paramètres spatio-temporels, son cadrage varie totalement en fonction de l'objet considéré. Il peut être très large, lorsqu'il détermine des phénomènes généraux, coïncidant alors avec de grandes mutations historiques dont il s'agit d'évaluer l'impact sur les arts, comme le concile de Bâle, la Réforme, ou le sac de Rome, en 1527, auquel l'historien de l'art André Chastel a consacré un livre exemplaire (1983). Il peut être beaucoup plus resserré, lorsqu'il sert à expliquer un artiste ou une œuvre particulière. Dans tous les cas, il comprend des éléments relatifs aussi bien au mécanisme de production (organisation du métier, traditions locales, importance des modèles, influences stylistiques, etc.) qu'aux conditions de réception (fonction de l'œuvre, idéologie du public, système religieux ou intellectuel, etc.). Il fournit ainsi des présupposés nécessaires à toute analyse, qu'elle soit stylistique ou iconographique, en établissant ce qu'il est possible de représenter, et de quelle manière, dans un milieu et à un moment déterminés.

Dans un article écrit pour le volume « Enjeux » de l'Encyclopædia Universalis en 1989 et consacré aux rapports entre histoire de l'art et histoire, André Chastel définit le contexte comme « le lieu d'une fonction et le point de croisement des séries formant système ». L'artiste et sa production sont ainsi déterminés par tout un ensemble de facteurs caractéristiques d'un milieu particulier. Mais en même temps, ils s'inscrivent dans une continuité. La tâche de l'historien consiste à mettre ces deux axes en relation. Sur l'axe de la synchronie, le lien entre l'objet et son contexte doit être spécifique : on ne peut guère expliquer le particulier par le générique, par des « mentalités » supposées, qui seraient indifféremment valables pour toutes les manifestations d'une époque donnée. Sur l'axe de la diachronie, il convient de décomposer, à travers une approche historiographique (corollaire de l'histoire sociale), chaque élément du prisme qui, au cours des différentes époques, a déformé notre vision d'un objet, afin de restituer la perception à la fois physique et spirituelle que les contemporains devaient en avoir.

Certains artistes se prêtent particulièrement à ces projections anachroniques. Pour prendre un exemple significatif, Jérôme Bosch a été successivement interprété comme un « faiseur de diables », comme un champion du moralisme de la Contre-Réforme et, après une longue éclipse, comme un génie solitaire et hérétique, porte-parole d'un Moyen Âge fantastique. Il est ainsi devenu une forme vide, dans laquelle chacun projette ses propres fantasmes. Pour acquérir une consistance historique, il doit être débarrassé de ces points de vue déformants et, dans le même temps, replacé dans son contexte d'origine, c'est-à-dire à la fois dans le « système » de la production (ce qui présuppose une reconstitution précise de son parcours stylistique, de sa chronologie) et en « fonction » de son public, essentiellement composé par l'élite politique du moment. Loin d'exprimer l'ésotérisme de quelque secte hérétique, ses œuvres peuvent dès lors s'interpréter non plus d'un point de vue fantaisiste, mais comme l'ont fait les observateurs contemporains, pour lesquels elles ont été conçues.

Dans cette perspective, leur perception d'un objet et les différentes façons qu'ils ont eues de l'exprimer doivent être considérées avec[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur ès lettres, maître assistant en histoire de l'art médiéval à l'université de Genève (Suisse)

Classification