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CONTEXTE, linguistique

Les approches logiques et sémantiques de la notion de contexte

Dans une tout autre perspective, les approches logiques de la langue ont été confrontées à la question du contexte, à propos de la définition de la notion d'« identité ». C'est le logicien allemand Gottlob Frege qui, à la fin du xixe siècle, a montré l'inadéquation de la définition classique de l'identité dans certains types de contextes. Selon la définition logique de l'identité, lorsque deux objets sont identiques, tout ce qui est vrai de l'un l'est également de l'autre : « Napoléon » étant à la fois « le vainqueur d'Austerlitz » et « le vaincu de Waterloo », il devrait être possible de substituer l'une de ces deux descriptions définies à l'autre sans modifier la valeur de vérité de la proposition résultante. Tel n'est toujours pas le cas, puisque par exemple si la proposition « Pierre sait que Napoléon est le vainqueur d'Austerlitz » est vraie, il peut se trouver en revanche que la proposition « Pierre sait que Napoléon est le vaincu de Waterloo » soit fausse : tout dépend ici des connaissances historiques de Pierre. Pour résoudre ce paradoxe, Frege distingue le référent d'une expression (l'entité qu'elle désigne) et son sens : « Napoléon », « le vainqueur d'Austerlitz » et « le vaincu de Waterloo » ont le même référent mais des sens différents. Or c'est précisément le sens qui est en jeu dans certains types de contextes, dits « contextes opaques », tels, par exemple, les verbes d'attitude propositionnelle comme savoir, dire, penser, etc. La substitution de deux termes de référent identique, mais de sens différent, peut alors donc conduire à modifier la valeur de vérité de la proposition. Cette problématique logique a été reprise par la suite dans maintes études logico-sémantiques.

Dans les travaux récents de sémantique linguistique, la notion de « contexte » joue un rôle central. Sa prise en compte permet notamment de prédire le sens d'un terme polysémique, ou de différencier les sens, proches mais non totalement identiques, de termes « quasi synonymes ». Ainsi, on parlera d'une « mort héroïque », de « la mort du loup », de « la mort du petit commerce », mais d'un « certificat de décès » ou d'un magasin « fermé pour cause de décès » ; de tels contextes permettent de voir que « mort » désigne la cessation de la vie (d'un humain ou d'un animal) et les circonstances de cette fin, ou par extension la fin d'une activité, alors que « décès » renvoie au seul terme de la vie humaine, considéré sous l'angle officiel et institutionnel.

Nombreux sont les travaux de sémantique et de pragmatique linguistique consacrés au rôle du contexte dans la construction du sens en discours : dans cette perspective, le sens est appréhendé comme le résultat de l'interaction dynamique de l'ensemble des unités linguistiques co-présentes dans les énoncés.

— Catherine FUCHS

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