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CONTINGENCE

La contingence dans la pensée philosophique

Formes simples

Partout où l'idée de contingence est utilisée, elle entretient des relations avec trois termes : les lois de la nature, la liberté humaine et la prescience divine, dont chacun peut être affirmé ou nié. On peut ainsi former de nombreuses combinaisons, auxquelles correspondent des sens différents du mot « contingence ». Sans passer en revue toutes les figures concevables de la contingence, nous évoquerons certaines d'entre elles. L'idée de contingence dont la structure conceptuelle est la plus simple est celle qui se fonde sur l'un des trois termes seulement : nature, liberté ou Dieu. On a dès lors trois espèces de contingence.

On peut affirmer que la nature n'est pas entièrement soumise à des lois rigoureuses et que le devenir est imprévisible, parce qu'il résulte d'un mélange de nécessité et d'aléatoire ; ou même qu'il reflète les « habitudes » – plutôt que les lois – de la nature. Cette dernière pourrait donc en changer. Ainsi, en 1874, dans De la contingence des lois de la nature, Émile Boutroux écrit : « La nature ne nous offre jamais que des ressemblances, non des identités » (op. cit.). « L'être [...] tend à s'immobiliser dans la forme qu'il s'est une fois donnée [...]. Mais l'habitude n'est pas la substitution d'une fatalité substantielle à la spontanéité : c'est un état de la spontanéité elle-même » (ibidem). De fait, les hommes ont formé toute une gamme de cosmologies : les unes rejettent toute contingence de la nature et de ses lois ; d'autres lui font la part belle ; d'autres enfin la confinent dans une région de la nature (le monde sublunaire, par exemple), pour l'éliminer du reste de l'Univers.

Une deuxième espèce simple de contingence consiste à affirmer que le surgissement de l'accidentel et de l'imprévisible dans le monde n'est imputable ni à la nature ni à Dieu mais à l'homme. Deux interprétations de la contingence sont possibles : ou bien on en situe la source dans la nature et les passions de l'homme, ou bien on en rend sa liberté responsable. La première version peut se rattacher à la précédente, et c'est certainement la seconde qui, dans les philosophies de l'existence, a l'importance la plus grande. Ainsi entendue, la contingence signifie la liberté humaine elle-même, se frayant un chemin à travers les obstacles de l'existence, et rendant l'histoire à la fois intelligible, et dans une certaine mesure imprévisible, puisque toute décision introduit une coupure dans le cours du temps. L'affirmation la plus radicale de cette contingence fondée sur la liberté se trouve sans doute chez Sartre.

Enfin, la source de la contingence dans l'histoire peut être attribuée à Dieu. Les philosophes de l'existence, dans les années 1930-1960, se sont plu à commenter et à donner une place centrale au mot d'un héros de Dostoïevski : « Si Dieu n'existe pas, tout est permis. » Et, de fait, l'idée de contingence change radicalement de sens selon qu'on affirme ou qu'on nie l'existence de Dieu. Si l'on pose que Dieu est tout-puissant et tout-connaissant, de deux choses l'une : ou bien on nie la liberté humaine, et alors l'idée de contingence n'est qu'une illusion subjective traduisant l'ignorance où nous sommes du chemin que nous suivons nécessairement ; ou la liberté humaine est réelle, et alors toute la difficulté de l'idée de contingence vient de l'affirmation simultanée de la puissance de Dieu et de la liberté humaine. Si, en revanche, on se situe dans une philosophie athée, l'idée de contingence peut revêtir l'une des deux formes simples précédemment décrites.

Formes composées

Ces remarques nous acheminent[...]

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