CONTRE-RÉFORME
Le terme de Contre-Réforme a été forgé au xixe siècle dans un esprit polémique par des historiens protestants allemands. Certains ouvrages d'inspiration catholique ont tendance de nos jours à ne plus l'employer. L'objectivité historique demande, premièrement, que l'on maintienne l'expression Contre-Réforme, car, aux xvie et xviie siècles, Rome a indiscutablement tenté de faire reculer – voire de faire disparaître – le protestantisme ; deuxièmement, que l'on replace cette Contre-Réforme dans le climat d'intolérance de l'époque qui fut aussi étouffant du côté protestant que du côté catholique ; troisièmement, que l'on considère la Contre-Réforme comme un chapitre – ni le plus important ni le plus beau – d'une renaissance religieuse qui fut d'autre part étonnamment large, riche et profonde, et qui, à la suite du concile de Trente et en dépit des objectifs antiprotestants de ce dernier, mérite le nom de Réforme catholique.
La Contre-Réforme
Les mesures générales
Les premiers martyrs protestants moururent à Anvers en 1523. En France, les derniers galériens huguenots ne furent libérés qu'en 1775. L'esprit de Contre-Réforme a donc été tenace. Les premières mesures générales de lutte contre le protestantisme furent la reconstitution en 1542 du tribunal de l' Inquisition, placé sous le contrôle de la congrégation du Saint-Office, et la création, l'année suivante, de la congrégation de l' Index qui, publia, à partir de 1559, des listes d'ouvrages prohibés. On associe souvent à ces deux décisions l'approbation par Paul III, en 1540, de la Compagnie de Jésus. Mais Ignace de Loyola, à l'origine, voulait partir en Terre sainte avec ses compagnons pour convertir les infidèles. D'autre part, les Jésuites furent certes les agents les plus actifs de la Contre-Réforme, mais ils eurent en même temps une action missionnaire et culturelle qui se situa en dehors de toute contre-offensive antiprotestante.
Quant au concile de Trente, il ne fut pas seulement une machine de guerre contre la Réforme, mais bien « le vaste creuset où se confirma et se perfectionna la purification de l'Église romaine et le point de rencontre de toutes les forces catholiques de réforme » (L. Willaert). On ne peut nier cependant qu'il fut aussi un refus de dialoguer avec des chrétiens qualifiés d'hérétiques et une affirmation sans nuances de positions antiprotestantes. La Vulgate, traduction latine de la Bible par saint Jérôme, fut imposée, malgré les contresens que réformés et humanistes y avaient décelés. Après le concile, Rome devait interdire les traductions de l'Écriture en langues nationales. Le clergé – un clergé astreint au célibat – fut déclaré seul compétent pour expliquer et interpréter les livres saints. Les fidèles se virent refuser la messe en langue vulgaire. Le concile donna à la Tradition même valeur qu'à la Bible, en laquelle les protestants voulaient voir la seule source de la Révélation. Pour mieux refuser la justification par la foi seule, il majora la valeur des œuvres et développa la notion de mérite. Ripostant à Luther et à Zwingli, qui avaient rejeté indulgences et pèlerinages, et à Calvin, qui s'était moqué des reliques, il maintint les formes traditionnelles de la piété et confirma le culte des saints et des images, dont l'art baroque allait bientôt tirer un si grand parti. Les sept sacrements furent conservés. L'assemblée de Trente proclama qu'ils avaient été institués par le Christ et précisa qu'ils devaient être administrés suivant l'usage de Rome, ce qui interdisait la communion sous les deux espèces jadis accordée aux utraquistes de Bohême. Contre la doctrine des « sacramentaires » adoptée ensuite par les calvinistes, la présence réelle de Jésus-Christ dans l'[...]
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Écrit par
- Jean DELUMEAU : professeur honoraire au Collège de France, membre de l'Institut
Classification
Médias
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