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CONTRE-RÉVOLUTION

La Révolution ne fut pas un torrent impétueux balayant tout sur son passage ; les idées de liberté et d'égalité n'ont pas triomphé d'un coup, sans susciter de résistance. À la Révolution s'est opposée, dès 1789, la contre-révolution, à l'innovation la tradition, à la croyance au progrès celle du péché originel. Loin de se limiter sur le plan idéologique, la lutte fut sanglante, divisant la France en deux camps, comme l'avaient fait les guerres de religion. Affrontement qui pèse aujourd'hui encore sur la vie politique comme sur l'historiographie française. Gauche, droite, du moins celle qui s'affirme comme telle, le combat remonte à la Révolution, et chacun a gardé de cette époque ses héros de prédilection, Marat et Robespierre pour les uns, Rivarol et Charette pour les autres.

La bataille des idées

La philosophie des Lumières nous semble aujourd'hui s'être imposée sans lutte véritable, tant les personnalités de Montesquieu, de Voltaire, Rousseau ou Diderot, de Raynal, Mably et Condorcet, à un degré moindre, dominent le xviiie siècle. En réalité, sans compter les difficultés rencontrées avec la censure (Voltaire réfugié à Ferney, Diderot enfermé à Vincennes), il ne faut pas oublier que ces auteurs ont été combattus par d'autres écrivains, que leurs idées ont été, de leur vivant, sévèrement contestées. La polémique contre les philosophes a été tenace, violente, acharnée, surtout dans le domaine religieux : neuf cents réfutations des Lumières publiées entre 1715 et 1789. Ces défenseurs de l'Église n'ont pas retenu l'attention de la postérité. Certains n'étaient pourtant pas sans talent, tel Fréron, auquel Voltaire voua une haine profonde. Son Année littéraire menait une lutte souvent efficace contre les penseurs à la mode. À la raillerie de Voltaire répondit, avec un énorme succès, celle de Palissot dans sa comédie Les Philosophes (1760). Mme de Genlis écrivit, en 1787, un traité sur La Religion considérée comme l'unique base du bonheur et de la véritable philosophie. D'autres œuvres, tombées depuis dans un complet oubli, remportèrent alors des triomphes éclatants : sept éditions pour Le Déisme réfuté par lui-même de l'abbé Bergier. Les tirages du Dictionnaire antiphilosophique de l'abbé Guenée ou du Catéchisme philosophique du jésuite Feller ne sont pas moins considérables. Il convient aussi de signaler l'influence du Comte de Valmont, ou les Égarements de la raison de l'abbé Gérard, encore lu au séminaire d'Issy au temps où Renan y était élève, si l'on en croit les Souvenirs d'enfance et de jeunesse.

Sur le plan politique, Lefèvre de Beauvray s'insurge dans son Dictionnaire social et patriotique (1770) contre les idées nouvelles. Il condamne la démocratie « parce qu'elle touche de plus près à l'anarchie que la monarchie au despotisme » et la liberté qui « mène à la subversion de tout ordre social ». L'égalité enfin lui apparaît comme parfaitement utopique. Un autre penseur, Gin, s'attache à réfuter la théorie des pouvoirs chère à Montesquieu.

L'impact de ces ouvrages fut plus important qu'on ne le croit. On en trouve l'écho dans les cahiers de doléances qui ne reflètent pas uniquement, tant s'en faut, l'idéologie des Lumières, mais demandent au roi plus d'énergie dans la lutte contre l'impiété, quand ils ne font pas l'apologie de la monarchie.

Avant même les événements de 1789, le combat entre révolution et contre-révolution était déjà engagé, et chacun restait sur ses positions à propos des grands problèmes touchant à la liberté, à l'égalité et au progrès indéfini de l'homme.

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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