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CONTRE-RÉVOLUTION

La contre-révolution intellectuelle

Burke est le premier penseur d'envergure à dénoncer l'influence des idées révolutionnaires. Car c'est d'Angleterre, de cette Angleterre qui avait si fortement influencé Montesquieu et Voltaire, qu'est venue la réfutation la plus approfondie de la Révolution française. Elle vint d'un membre du parti whig, qui avait lutté pour la défense des libertés contre la tentative absolutiste de George III et pris parti pour les colons américains en 1775. Burke écrit en 1790 ses Réflexions sur la Révolution de France, livre torrentueux et passionné, véritable pamphlet contre l'œuvre de la Constituante.

On y trouve à la fois un refus de l'abstraction chère aux auteurs de la déclaration des Droits de l'homme (« Je n'entre pas dans les distinctions métaphysiques, je hais jusqu'au son de ces mots ») et une défense des préjugés (« Vaincre un préjugé, c'est déclarer la guerre à la nature »). Burke fait l'apologie de la résistance à l'innovation et condamne la raison individuelle. Le succès du livre est prodigieux ; il devient le catéchisme de la contre-révolution. À Paris, on ne s'y trompe pas. Mirabeau, à la tribune de la Constituante, qualifie son auteur, le 28 janvier 1791, de « détracteur superstitieux de la raison humaine ».

La pensée de Burke a éclipsé celle d'autres théoriciens qui méritent pourtant de retenir l'attention. C'est ainsi que Sénac de Meilhan, qui écrira L'Émigré, publie, en 1790, Des principes et des causes de la Révolution française. Il montre que la Révolution est née d'une trop large diffusion des Lumières qu'il aurait fallu réserver aux classes les plus riches et les plus intelligentes, en laissant le peuple dans l'obscurantisme religieux. L'abbé Duvoisin ne rencontre guère plus d'écho avec sa France chrétienne, juste et vraiment libre, ni Ferrand avec L'État actuel de la France, où il est démontré que les idées de Rousseau sont inapplicables en France.

La mort de Burke, en 1797, a laissé le champ libre à d'autres théoriciens de la contre-révolution. La plupart ont subi néanmoins l'influence du penseur anglais. Le courant théocratique s'incarne en Joseph de Maistre et Louis de Bonald. Un Savoyard, d'abord favorable aux idées de Montesquieu, mais que les excès de la Révolution dégoûtent des Lumières, tel apparaît Joseph de Maistre, qui va mener une vie errante après l'invasion de la Savoie en 1792. Son œuvre maîtresse, Considérations sur la France, paraît en Suisse en 1796. On y trouve développée la nécessité d'un régime nouveau pour la France, fondé sur la religion, le régime théocratique. Le moteur de l'histoire, selon Maistre, c'est la Providence. Celle-ci a voulu châtier la France pour ses mauvaises mœurs en y déclenchant les désordres actuels. Mais la victoire de la contre-révolution est inéluctable. Dans la lutte entre le christianisme et la philosophie, le premier l'emportera au moment choisi par Dieu. L'influence de ce livre a été décisive sur l'entourage de Louis XVIII.

Quant à Bonald, il fait paraître dans le même temps, à Constance, sa Théorie du pouvoir politique et religieux, dont on peut résumer les trois tomes dans la fameuse formule : « Dieu est l'auteur de tous les États, l'homme ne peut rien sur l'homme que par Dieu et ne doit rien à l'homme que pour Dieu. »

Ces œuvres, quelque peu sévères, ont beaucoup moins séduit le lecteur contre-révolutionnaire que les Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme, publiés à Hambourg, en 1798. Leur auteur, l'abbé Barruel, voit à l'origine de la Révolution française un vaste complot maçonnique. C'est par l'intermédiaire des loges que la philosophie des Lumières a été systématiquement diffusée, dans[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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