CONTREFAÇON
L'action en contrefaçon
Bien que l'action en contrefaçon se soit constituée à l'origine comme une action pénale, il est aujourd'hui plus courant de poursuivre les contrefacteurs devant des tribunaux civils que devant des tribunaux répressifs, car la victime y obtiendra plus sûrement réparation, n'étant pas obligée de prouver tous les éléments d'une infraction, en raison du principe de légalité du droit pénal, mais seulement l'existence d'une faute nécessaire pour mettre en jeu la responsabilité civile.
L'action en contrefaçon exige une atteinte portée au droit privatif résultant d'un brevet d'invention, d'un dessin ou modèle ou d'une marque de fabrique. On peut, pour l'examiner, se placer d'abord du côté du titulaire du monopole et examiner ses droits. On peut ensuite se placer du côté du contrefacteur et examiner ses actes et sa psychologie.
Position du titulaire du monopole
Celui qui se plaint de la contrefaçon doit pouvoir prouver qu'il est en possession d'un droit valable au moment des faits reprochés et à l'endroit où ils ont eu lieu. Il doit, d'autre part, ne pas avoir autorisé expressément ou tacitement les faits d'atteinte au monopole.
Être titulaire d'un droit valable
Le titulaire du monopole doit posséder un titre valable. L'action en contrefaçon est refusée à celui qui n'aurait pas déposé son brevet, dessin, modèle ou marque. Cela ne veut pas dire que celui-ci restera sans aucune protection, mais il ne disposera que de l'action en concurrence déloyale et non pas de l'action en contrefaçon.
Le monopole invoqué pour justifier l'action en contrefaçon doit reposer sur un titre valable quant au fond et quant à la forme, c'est-à-dire qui remplisse toutes les conditions de validité prévues par la loi applicable. C'est un moyen de défense classique des personnes poursuivies en contrefaçon que d'affirmer que le titre qu'on leur oppose est nul : que le brevet ou le dessin ou le modèle n'est pas nouveau, que la marque est générique, descriptive ou déceptive. Pour agir en contrefaçon, il est bon d'être sûr de la valeur du droit invoqué, sinon on risque fort, alors qu'on a cherché le combat, d'en sortir en ayant perdu le droit apparent dont on disposait.
Les faits reprochés doivent s'être passés pendant que le droit était en vigueur : des reproductions d'un objet breveté, après qu'il est tombé dans le domaine public, ne constituent pas des cas de contrefaçon, pas plus que la reproduction d'une marque avant qu'elle n'ait été déposée (dans ce dernier cas, il pourra parfois y avoir place pour une action en concurrence déloyale).
Le monopole n'étant conféré que dans le pays où le titre a été déposé, le fait de contrefaçon n'est poursuivi que s'il a lieu dans ce pays. Les droits de propriété industrielle ont un rayonnement limité au pays où ils sont déposés, sauf en matière de marques où la notoriété d'une marque permet à son titulaire d'agir dans tous les pays où elle est notoire même sans l'y avoir déposée (article 6 bis de la Convention internationale d'union de 1883). Naturellement, l'introduction dans un pays d'objets contrefaisants constitue dans ce pays le délit de contrefaçon, même s'ils ont été fabriqués dans un autre pays où le monopole sur les objets en question n'existait pas. Il en va différemment cependant pour les objets brevetés lorsqu'ils se trouvent sur un moyen de transport (bateau, avion, chemin de fer) qui pénètre de façon temporaire ou accidentelle dans un pays où ils sont contrefaisants : l'article 5 ter de la Convention internationale d'union de 1883 (modification de la conférence de La Haye de 1925) décide qu'une action en contrefaçon est alors[...]
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Écrit par
- Alain BLANCHOT : premier substitut, chef de la section économique, chargé d'enseignement de droit pénal à l'université de Paris-II
- Albert CHAVANNE : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Lyon
- Daniel HANGARD : directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle
Classification
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