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CONTRÔLE OUVRIER

La notion de contrôle ouvrier, apparue au début du xxe siècle dans des cercles restreints de la social-démocratie européenne, a pris un relief historique avec la révolution russe d'octobre 1917. Envisagée d'un point de vue instrumental, elle se présente comme une revendication destinée à jeter un pont entre les luttes pour des objectifs immédiats (salaires, droit de grève) et l'objectif final du mouvement ouvrier : la prise du pouvoir pour l'instauration du socialisme.

S'appuyant sur les revendications économiques, le contrôle ouvrier vise à les articuler avec des objectifs qui permettent de remettre en cause, ne serait-ce que partiellement, le pouvoir du chef d'entreprise sur l'organisation de la production dans l'usine. Les principales revendications se réclamant du contrôle ouvrier portent sur la suppression du secret commercial et sur l'ouverture des livres de comptes, sur le droit des employés d'empêcher les licenciements et les fermetures d'entreprises, sur le contrôle de l'organisation du travail (des cadences, par exemple), sur les investissements.

La mise en œuvre d'un tel contrôle vise à établir un double pouvoir, patronal et ouvrier, au sein de l'entreprise. Pour sauvegarder et étendre ce contrôle, des organes spécifiques (par exemple comité de contrôle) sont créés ou bien les syndicats sont investis de ce rôle. La perturbation qu'une telle « prise en charge » entraîne dans les relations économiques et sociales empêche la stabilisation de la situation ; l'évolution peut alors se faire soit dans le sens du dépérissement du contrôle des ouvriers, soit au contraire dans celui d'une prise en charge totale de l'appareil productif par les travailleurs.

L'accroissement du nombre des expériences de contrôle ouvrier révèle l'existence d'une crise sociale et politique profonde, qu'il contribue encore à aggraver. Les exemples les plus significatifs de ce contrôle appartiennent aux périodes qui sont qualifiées par les marxistes de révolutionnaires ou de prérévolutionnaires et qu'on peut situer au lendemain de chacune des deux guerres mondiales, en 1936 (France et Espagne) notamment. Mais l'extension du contrôle ouvrier ne peut être une condition suffisante de la réussite de l'expérience révolutionnaire, ainsi que le montrent les cas de l'Allemagne pendant la période de Weimar (1918-1933) et de la Bolivie après la prise du pouvoir par le M.N.R. de Paz Estenssoro (1952). En Russie, le contrôle ouvrier fut institutionnalisé par le décret du 14 novembre 1917 ; il représentait le premier pas vers la socialisation des moyens de production et se trouva rapidement dépassé.

Au contrôle ouvrier envisagé comme un instrument accélérant le processus révolutionnaire est souvent opposé le principe de la cogestion des entreprises entre partenaires sociaux unis par une volonté contractuelle, principe prôné par les courants réformistes sociaux-démocrates du mouvement ouvrier (ainsi qu'en témoigne, en particulier, le programme de Bad-Godesberg du S.P.D. allemand, adopté en 1959). À côté de ces deux conceptions antagonistes, une troisième conception, défendue par des courants réformistes de gauche, envisage une application graduelle du contrôle ouvrier, même en dehors des périodes de mobilisation révolutionnaire.

— Jean-Claude KLEIN

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Écrit par

  • : diplômé de l'École pratique des hautes études, chargé de cours à l'U.F.R. de musique et musicologie de l'université de Paris-IV-Sorbonne

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