CONVERSATIONS AVEC CÉZANNE, Émile Bernard Fiche de lecture
Deux publications paraissent en 1978, indispensables à la connaissance de Cézanne : l'une, due à John Rewald, rassemble plus de deux cents lettres ; la seconde, Conversations avec Cézanne, se présente comme un emboîtement de textes. D'abord les introductions, notes et notices de l'éditeur, Michael Doran, bibliothécaire au Courtauld Institute of Art de Londres. Puis les relations par dix visiteurs de leurs entrevues avec Cézanne, rédigées pour la plupart à partir de 1900. Enfin, les propos de l'artiste rapportés de façon plus ou moins rétrospective. Même si la parole cézannienne se situe au centre de la lecture, les autres perspectives ne manquent pas de retenir l'attention. Les textes réunis concernent les dernières années de Cézanne. Michael Doran croise méticuleusement les informations et ne manque pas de marquer ses réserves. Il laisse aussi Cézanne s'exprimer directement, en transcrivant un document autographe, « Mes Confidences », ainsi que des lettres adressées à Émile Bernard.
Un « ours inabordable » ?
Dans l'ensemble, les opinions émises rejoignent celles de Gustave Geoffroy qui, en 1894, rencontre Cézanne chez Monet. Il esquisse alors le portrait d'un « personnage singulier, timide et violent, émotif à un point extraordinaire », ému d'avoir serré la main de Rodin, émettant des opinions tranchées, tant sur ses contemporains que sur les artistes du passé. Tous ceux qui l'ont rencontré, à Aix et surtout dans son atelier des Lauves (Jules Borély, Francis Jourdain, R. P. Rivière et Jacques Félix Schnerb...), insistent sur l'ascétisme d'une existence intégralement vouée à la peinture. Bernard colporte les sarcasmes, décrit les gamins jetant des pierres... Toutefois, la fiabilité des informations varie fortement. Ambroise Vollard, marchand et biographe de Cézanne, construirait un « Cézanne-Vollard-Ubu » (R. Huygues). De même, sans en réfuter l'essentiel, Doran souligne le manque de scrupule interprétatif de Joachim Gasquet. « Trop intellectuel » selon Cézanne, Émile Bernard gauchirait les théories du « maître » vers les siennes. Souvent repris en référence, il révèle de précieuses informations techniques (sur la palette par exemple) et rapporte les « opinions » du peintre : on pourra les rapprocher des « notes » que le poète Léo Larguier recueille auprès du fils de Paul Cézanne. Enfin, dernier de ces visiteurs, Maurice Denis se rend à Aix en janvier 1906. Son étude perspicace paraît un an après la mort de Cézanne, rangé désormais parmi les « classiques ».
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Écrit par
- Claude FRONTISI : professeur émérite des Universités, président du centre de recherche Pierre-Francastel
Classification
Média