CONVERSION
Selon sa signification étymologique, conversion (du latin conversio) signifie retournement, changement de direction. Le mot sert donc à désigner toute espèce de retournement ou de transposition. C'est ainsi qu'en logique le mot est employé pour désigner l'opération par laquelle on inverse les termes d'une proposition. En psychanalyse, ce mot a été utilisé pour désigner « la transposition d'un conflit psychique et la tentative de résolution de celui-ci dans des symptômes somatiques, moteurs ou sensitifs » (Laplanche et Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse). Le présent article étudiera la conversion dans son acception religieuse et philosophique ; il s'agira alors d'un changement d'ordre mental, qui pourra aller de la simple modification d'une opinion jusqu'à la transformation totale de la personnalité. Le mot latin conversio correspond en fait à deux mots grecs de sens différents, d'une part epistrophê qui signifie changement d'orientation et implique l'idée d'un retour (retour à l'origine, retour à soi), d'autre part metanoïa qui signifie changement de pensée, repentir, et implique l'idée d'une mutation et d'une renaissance. Il y a donc, dans la notion de conversion, une opposition interne entre l'idée de « retour à l'origine » et l'idée de « renaissance ». Cette polarité fidélité-rupture a fortement marqué la conscience occidentale depuis l'apparition du christianisme.
Bien que la représentation que l'on se fait habituellement du phénomène de la conversion soit assez stéréotypée, ce phénomène n'en a pas moins subi une certaine évolution historique et il peut se manifester sous un grand nombre de formes différentes. Il faudra donc l'étudier sous de multiples perspectives : psychophysiologique, sociologique, historique, théologique, philosophique. À tous ces niveaux, le phénomène de la conversion reflète l'irréductible ambiguïté de la réalité humaine. D'une part il témoigne de la liberté de l'être humain, capable de se transformer totalement en réinterprétant son passé et son avenir ; d'autre part, il révèle que cette transformation de la réalité humaine résulte d'une invasion de forces extérieures au moi, qu'il s'agisse de la grâce divine ou d'une contrainte psychosociale. On peut dire que l'idée de conversion représente une des notions constitutives de la conscience occidentale : en effet, on peut se représenter toute l'histoire de l'Occident comme un effort sans cesse renouvelé pour perfectionner les techniques de « conversion », c'est-à-dire les techniques destinées à transformer la réalité humaine, soit en la ramenant à son essence originelle (conversion-retour), soit en la modifiant radicalement (conversion-mutation).
Formes historiques de la conversion
L'Antiquité préchrétienne
Dans l'Antiquité, le phénomène de la conversion apparaît moins dans l'ordre religieux que dans les ordres politique et philosophique. C'est que toutes les religions antiques (sauf le bouddhisme) sont des religions d'équilibre, pour reprendre l'expression de Van der Leeuw : les rites y assurent une sorte d'échange de prestations entre Dieu et l'homme. L'expérience intérieure qui pourrait correspondre à ces rites, en être en quelque sorte l'envers psychologique, ne joue pas un rôle essentiel. Ces religions ne revendiquent donc pas la totalité de la vie intérieure de leurs adeptes et elles sont largement tolérantes, dans la mesure où elles admettent à côté d'elles une multiplicité d'autres rites et d'autres cultes. Parfois se produisent certains phénomènes de contagion ou de propagande, telles la propagation des cultes dionysiaques ou, à la fin de l'Antiquité, celle des cultes à mystères.[...]
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Écrit par
- Pierre HADOT : professeur au Collège de France
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