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COOPÉRATIVES

Crise du mouvement coopératif ?

Toutefois, l'apparition d'associés non coopérateurs rompt cette belle unité : certains associés ne participent pas à l'activité de l'entreprise, mais se bornent à apporter des fonds, ou un actif quelconque, en vue d'en obtenir une rémunération. Leur intérêt n'est donc pas le même que celui des coopérateurs : ces derniers sont intéressés par l'activité elle-même – achats de biens, transformation de produits, accès au crédit, construction de logements, etc. –, tandis que les non-coopérateurs sont intéressés par le rendement de leurs apports. C'est ce qu'exprimait Charles Gide, en 1889, lors du quatrième congrès du mouvement coopératif : « Le caractère essentiel de la société coopérative, son trait original, révolutionnaire même si vous voulez, c'est que le capital y est non point supprimé ou méprisé – les coopérateurs sont gens trop pratiques pour s'imaginer qu'on peut se passer du capital ou l'obtenir gratis –, mais réduit à son véritable rôle, c'est-à-dire d'instrument au service du travail et payé en tant qu'instrument. Tandis que, dans l'ordre des choses actuel, c'est le capital qui, étant propriétaire, touche les bénéfices, et c'est le travail qui est salarié – dans le régime coopératif, par un renversement de la situation, c'est le travailleur ou le consommateur qui, étant propriétaire, touchera les bénéfices, et c'est le capital qui sera réduit au rôle de simple salarié ! » Pour les coopérateurs, la rentabilité est un moyen et l'activité un but, tandis que, pour les non-coopérateurs, elle est un but, et l'activité n'est qu'un moyen. Il est clair que cette dualité de points de vue modifie en profondeur le fonctionnement même de l'entreprise coopérative, puisque les objectifs des uns et des autres diffèrent. On peut supposer que ce n'est pas de gaieté de cœur, mais plutôt sous la contrainte, que les coopérateurs ont ainsi accepté qu'une logique étrangère à leurs propres finalités fasse irruption dans leur entreprise. En ce sens, les associés non coopérateurs sont révélateurs d'une crise du mouvement coopératif ou, au moins, d'une difficulté à remplir correctement sa mission. Cette crise est, pour l'essentiel, financière. Elle ne touche pas de la même manière toutes les composantes du mouvement coopératif.

Coopératives de consommation

Les coopératives de consommation ont été sans doute les plus touchées par cette crise financière qui est devenue, en partie, une crise d'identité. Pourtant, les coopératives de consommation sont à l'origine du mouvement coopératif (pionniers de Rochdale) et ont été longtemps sa colonne vertébrale : l'Alliance coopérative internationale – fondée en 1895 – a été longtemps dominée par les coopératives de consommation. Celles-ci ont connu leur apogée dans les années 1970. L'enseigne commune – Coop, en France, comme dans beaucoup d'autres pays – était un panonceau derrière lequel, en France, on trouvait 400 coopératives, regroupant 3,5 millions de ménages, soit un consommateur sur six, et qui possédait une douzaine d'usines agro-alimentaires, une banque, une centrale d'achat, etc. En Islande, les deux tiers des consommateurs adhéraient à une coopérative – record mondial –, en Suède 40 p. 100, au Danemark, en Suisse, en Grande-Bretagne de 30 à 35 p. 100, pour ne rien dire de l'ex-U.R.S.S., dans laquelle les coopératives disposaient du monopole du commerce rural. Vingt ans après, dans la majeure partie des pays, les coopératives de consommation n'étaient déjà plus que l'ombre d'elles-mêmes.

Il y a, certes, des exceptions. Ainsi, en Suisse, les douze coopératives régionales Migros – fondées en 1941 par[...]

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  • : conseiller de la rédaction du journal Alternatives économiques

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