COP 21
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Les avancées de la conférence de Paris
La conférence de Paris a rassemblé au Bourget plus de cent cinquante chefs d'État et de gouvernement et 20 000 délégués, malgré l'état d'urgence appliqué sur le territoire français à la suite des attentats du 13 novembre 2015. L’espace Générations climat, ouvert au public, a accueilli plus de 40 000 visiteurs.
Les commentaires dans les médias au sujet de cette conférence ont privilégié l’accord de Paris, présenté comme un succès de la diplomatie française dans un contexte de recomposition des équilibres Nord-Sud, bien qu'il ne constitue qu'une des avancées de la conférence avec les contributions nationales et l’agenda des solutions.
L’accord de Paris : le meilleur accord possible ?
L'accord de Paris, issu de ces journées de négociations, devait être « universel, ambitieux et contraignant ». Approuvé à l'unanimité, il peut être qualifié d'universel et relégitime le cadre multilatéral des Nations unies. Il illustre l'évolution des modèles de développement, validée par les États trois mois plus tôt, avec l’Agenda 2030 du développement durable et ses dix-sept objectifs de développement durable (ODD).
L’ambition collective à long terme est de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 0C, en poursuivant l’action menée pour la limiter à 1,5 0C, de renforcer les capacités d’adaptation tout en promouvant un développement à faibles émissions de GES et de rendre les flux financiers compatibles avec ces objectifs. Les 100 milliards de dollars du Fonds vert, destinés à aider les pays en développement, ne sont pas cités dans l’accord, mais simplement mentionnés dans le projet de décision qui le précède. Le seuil de 2 0C y constitue le seul objectif chiffré de cet accord, mais sans mention du volume de réduction de GES qu'il impliquerait. Le plafonnement des émissions doit se faire « dans les meilleurs délais ». La neutralité carbone, équilibre entre les émissions dues aux activités humaines et les absorptions de GES qui seraient réalisées par la création de puits de carbone (plantations forestières, capture et stockage de carbone dans les failles géologiques, recours à la géo-ingénierie), est prévue pour la deuxième moitié du siècle, présupposant un apport de moyens technologiques non encore disponibles et des arrangements institutionnels à inventer.
Aucune réforme structurelle n'est présentée dans cet accord. On ne traite pas des causes des émissions et du mode de croissance fondé sur les énergies fossiles malgré le consensus du GIEC et de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) qui lie le seuil de 2 0C à l’utilisation de seulement 10 % des réserves de combustibles fossiles. L'accord évite aussi d'évoquer les énergies renouvelables, le prix du carbone, les traités de libre-échange qui ne reconnaissent pas les normes environnementales. On y trouve cependant mention de l'équité et de la justice climatique. L'adaptation aux conséquences du changement climatique, incluant le droit au développement et à son financement, y est présentée pour la première fois à égalité avec l'atténuation des émissions de GES.
Afin d’obtenir l’unanimité pour cet accord de Paris, il a fallu renoncer à toute contrainte qui aurait été comprise comme contraire à la souveraineté des États. Un système souple de promesse et vérification (pledge and review) remplace les obligations de partage du fardeau. Les États s'accordent sur des systèmes de mesures, rapports et vérification (MRV) permettant d'évaluer et de comparer les résultats, assurant ainsi la transparence des actions. Il n'y a plus alors de possibilité de jouer au passager clandestin ou au moins-disant.
Les contributions déterminées au niveau national
Lors de la COP 20, qui s’était tenue à Lima (Pérou) en décembre 2014, il avait été décidé que les États signataires transmettraient, avant la conférence de Paris, leurs engagements de réduction d’émissions de GES. Ces contributions, encore appelées INDCs (intended nationally determined contributions), représentent les efforts nationaux de lutte contre le changement climatique. Les arbitrages politiques relèvent de l'échelle nationale et ne pourront pas être imposés par un système multilatéral. Cent cinquante-six contributions, représentant cent quatre-vingt-quatre parties à la convention – l'Union européenne ayant produit une seule contribution pour ses vingt-huit membres –, avaient été déposées à la date de l'accord.
La contribution, très libre dans sa forme, permet à chaque pays de présenter sa stratégie en un court document. On peut décrypter les « personnalités » des pays, en montrant comment est anticipée l'adhésion de leurs sociétés aux transformations attendues, leur situation économique et leur marge de manœuvre en termes de potentiel énergétique et technologique, d'infrastructures, de dynamique démographique, d'enjeux territoriaux et de développement (lutte contre les inégalités et la pauvreté, politiques agricoles, urbaines, de santé). Les actions d'atténuation, plus techniques, sont présentées au même niveau que celles d'adaptation, locales et plus sociales.
Ces contributions sont fondées sur trois principes :
– la différenciation. Le principe de l'équité et des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives eu égard aux contextes nationaux différents est réaffirmé,tout comme est affirmé le droit au développement et à son corollaire, l'aide financière internationale ;
– l'ambition. Les contributions ont vocation à dépasser les prévisions actuelles des États à l'horizon 2020. Un mécanisme sera mis en place pour renforcer l'ambition collective. Tous les cinq ans, il sera procédé à un bilan des efforts nationaux au regard de l'état des connaissances scientifiques. Les révisions à la baisse ne seront pas possibles ;
– la transparence. Les contributions sont publiées dès leur réception sur le site de la convention. La publicité des objectifs et des réalisations est censée constituer une incitation forte auprès des États soucieux de leur réputation (name and shame), garantir l'efficacité de l'accord et renforcer la confiance.
Cependant, la somme de toutes ces contributions nationales visant à réduire les émissions de GES implique une augmentation de température de 3,5 0C d’ici 2100, et ce, sous réserve de la disponibilité des fonds pour soutenir les stratégies d'atténuation et d'adaptation. Ces engagements sont donc loin d’être suffisants et rendent peu crédible la cible de 1,5 0C.
L'agenda des solutions
Le temps de l'alerte est passé. L’urgence climatique et la prise de conscience d’un monde aux ressources finies imposent désormais d’agir et de trouver des solutions, d'où les divers événements présentés à la Galerie des solutions au Bourget et à l'exposition Solutions COP 21 au Grand Palais.
L'agenda des solutions appelle à une action mondiale pour des sociétés sobres en carbone et résilientes. Il permet aux acteurs non étatiques – entreprises, investisseurs, villes, régions, voire particuliers – de partager leurs engagements pour le climat via une plate-forme (NAZCA Climate Action) de diffusion des résultats de leurs initiatives technologiques, financières ou sociales. Ainsi, la lutte contre le réchauffement est l’affaire de tous et ne doit pas dépendre uniquement des choix gouvernementaux et des décisions politiques.
Ces solutions impliquent un recours renforcé, ou au contraire alternatif, à la technologie et à des formes très différentes d’organisation sociale : énergie nucléaire, géo-ingénierie et captation de carbone, biotechnologies et OGM, agrocarburants, marchés de crédits carbone, ingénierie écologique, agroécologie, création d'aires protégées, coopératives, relocalisation de la production, mobilités durables...
On y notera l'importance de l'agriculture « climato-intelligente » qui intègre sécurité alimentaire, adaptation et atténuation et, après les forêts, la promotion des sols comme puits de carbone. Les solutions fondées sur la nature, c’est-à-dire qui s’appuient sur les écosystèmes et leurs capacités régulatrices et productives, s'imposent. Les modifications des processus de production en faveur de techniques économes en énergie et les accords sur des normes moins polluantes sont avancés. Les approches territoriales des associations de grandes villes et de divers mouvements incluent les questions de biodiversité, d'aménagement du territoire, d'accès à l'énergie durable, de santé publique, de lutte contre la pauvreté, etc. Les politiques et actions visant à réduire les émissions sont indissociables d’autres enjeux nationaux, régionaux, locaux. On redécouvre ainsi la dimension locale, un problème global ne pouvant entraîner uniquement une solution globale orchestrée par l’Organisation des Nations unies (ONU), mais bien une multitude de solutions portées par la société civile.
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Écrit par
- Catherine AUBERTIN : économiste de l'environnement, directrice de recherche à l'Institut de recherche pour le développement
Classification
Médias
Voir aussi
- FINANCEMENT
- TEMPÉRATURE, météorologie et climatologie
- CLIMATS
- PAYS EN DÉVELOPPEMENT (PED)
- CHANGEMENT CLIMATIQUE
- RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE
- GAZ À EFFET DE SERRE
- NORD-SUD RELATIONS
- ÉCONOMIE DU DÉVELOPPEMENT
- CARBONIQUE GAZ ou DIOXYDE DE CARBONE
- ÉNERGIE FOSSILE ou COMBUSTIBLES FOSSILES
- COPENHAGUE CONFÉRENCE DE (déc. 2009)
- COP (Conférence des Parties)
- CONFÉRENCES SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE
- ACCORD DE PARIS SUR LE CLIMAT (2015)