CORAN (AL-QURĀN)
Le mot al-Qur'ān (traditionnellement transcrit « Coran »), qui procède d'une racine attestée dans les plus anciens éléments de la prédication de Mahomet, semble exprimer l'idée d'une « communication orale », d'un « message », transmis sous forme de « récitation à voix haute ». Cette triple notion, par sa complexité même, caractérise l'état premier d'une « révélation » verbale, qui ne reçut que lentement la sanction de l'écriture et ne fut fixée en un « livre » que près d'un demi-siècle après la mort du prophète de l' islam.
Du message au « fait coranique »
La vulgate coranique
Dans la forme qui se trouva dès lors reconnue et qui est demeurée immuable depuis treize siècles, le Coran est composé de cent quatorze chapitres, ou sourates (de l' arabe al-sūra), subdivisés en versets (āyāt) et classés selon un ordre de longueur décroissante, mode de classement qu'on retrouve en plusieurs types de recueils poétiques ou philologiques constitués dans le monde sémitique. Cette ordonnance purement formelle a posé dès l'origine des problèmes délicats aux musulmans soucieux de commenter et d'interpréter le texte « révélé » : elle ne correspond, en effet, ni à un classement par matières, ni à un classement chronologique. Les érudits de l'Islam médiéval s'efforcèrent donc, pour expliquer les versets coraniques, de déterminer minutieusement les circonstances qui étaient réputées avoir entouré la « révélation » de chacun des éléments de la prédication. Pour ce faire, ils se fondaient sur les traditions orales consacrées aux faits et gestes de Mahomet, qui furent, pendant les cent cinquante premières années de l'ère musulmane (630-770 de l'ère chrétienne), peu à peu rassemblées en une Vie du Prophète (Sīra). Ainsi fut élaborée une chronologie, parfois fort détaillée, qui répartissait les « révélations » sur vingt années, de 612 de l'ère chrétienne environ à 632, date de la mort de Mahomet, une coupure fondamentale étant marquée en 622 par le départ du Prophète de sa ville natale, la Mekke, pour Médine, où il s'établit avec ses fidèles.
Mais la précision même de ce commentaire chronologique trahit sa fragilité. Les traditions utilisées par les érudits musulmans pour établir la date et les conditions d'énoncé des textes coraniques se révèlent en effet souvent comme procédant du passage qu'elles sont censées éclairer, de telle sorte que, sous les apparences d'une confirmation par des documents extérieurs, c'était indéfiniment, dans l'exégèse islamique de type traditionnel, le texte du Coran qui renvoyait à ses éléments intrinsèques.
Les islamologues contemporains ont entrepris une démarche inverse, qui les a conduits à éclairer non le Coran par une tradition dont en réalité l'origine était le Coran lui-même, mais les éléments traditionnels de la chronologie islamique par le texte du message prophétique. Les résultats essentiels de ces recherches ont été consacrés par les travaux de l'école allemande animée par Theodor Nöldeke.
Ces travaux ont fait apparaître deux séries de données complémentaires : sur l'élaboration du message coranique énoncé par Mahomet, d'une part, sur la progressive fixation de ce message en une vulgate reçue comme intangible au sein de la communauté musulmane, d'autre part.
En ce qui concerne le premier point, les recherches islamologiques récentes ont confirmé combien le texte coranique reflète et permet de discerner les conditions politiques, sociales, religieuses où s'est développé l'apostolat de Mahomet, les oppositions de clan, d'intérêts, d'idéologie que le prophète de l'islam et ses premiers compagnons ont dû surmonter. Elles interdisent le détail à quoi s'attachaient les anciennes biographies.[...]
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Écrit par
- Régis BLACHÈRE : professeur à l'université de Paris-I, directeur d'études à l'École pratique des hautes études
- Claude GILLIOT : agrégé d'arabe, docteur ès lettres, professeur à l'université de Provence
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Média
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