CORÉE Arts
Sculpture
L'époque des Trois Royaumes
L'introduction de l'art plastique à l'époque des Trois Royaumes est en liaison avec celle du bouddhisme. L'étude de ses débuts est rendue délicate par le petit nombre d'œuvres conservées, par le manque de repères datés, par l'imprécision des lieux d'origine.
Le Koguryŏ subit l'influence du style des Wei du Nord (398-534) dont il devait perpétuer les traditions bien après sa disparition en Chine. Actuellement, aucun document ne semble remonter au-delà du vie siècle. L'un des plus anciens serait un Bouddha en bronze doré, haut de 9 cm (coll. Yong Namging, Séoul), assis sur un socle carré, aujourd'hui disparu, que recouvraient des draperies évoquant le style de Longmen. Le Dr Kim Chewon attribue aussi au royaume de Koguryŏ, bien qu'il ait été découvert dans le Sud-Est, un Bouddha, debout sur un socle, se détachant sur une mandorle ornée de flammes incisées, au tracé malhabile. La statuette à tête ovale, surmontée d'une haute ushnīsha, protubérance crânienne du Bouddha, recouverte de boucles traitées de façon sommaire, porte la robe sanghaticroisée qui retombe sur le bras gauche et forme sur les côtés plusieurs ailerons. Cette figurine en bronze doré, haute de 17 cm, porte une date, équivalant vraisemblablement à l'an 539 de notre ère. Le traitement de la tête et de la chevelure sont très différents des autres représentations du Bouddha : Triade de 563 (coll. Hyung-pil Chun, Séoul) ou Triade de 571 (coll. T. H. Kim, Séoul) où, sur la tête assez forte, comme à Yungang, l'ushnīshatrès développée est dépourvue de boucles.
Dans la seconde moitié du vie siècle, les Bodhisattva (modèles en terre cuite découverts à P'yŏngyang ou en bronze doré des collections du palais Duksoo) portent la double écharpe aux plis parallèles croisés à la hauteur des genoux et retombant en ailerons, caractéristique des sculptures de Longmen.
C'est ce même costume qui revêt un Bodhisattva découvert à Puyŏ, mais le visage, qu'encadrent des tresses retombant sur les épaules, est animé d'un sourire enfantin. Ce sourire et le modelé des jambes plus marqué sous les draperies évoquent le style plus tardif des Qi du Nord (550-577). On sait qu'en 541, le Paektche avait obtenu de Nankin, capitale des dynasties du Sud, l'envoi de sculpteurs qui œuvrèrent à Puyŏ. Trouve-t-on au royaume du Paekche, comme en Chine du Nord, l'écho de cet art de la Chine du Sud dont ne subsiste malheureusement presque aucune trace ?
Assis sur un socle carré, un Bouddha en stéatite, provenant de Puyŏ, rappelle le Bouddha en bronze doré du Koguryŏ, mais le corps se distingue par sa pesanteur et son volume, tandis que le visage s'éclaire d'un sourire ingénu qui sera transmis au Japon au cours du viie siècle. On retrouve ce sourire dans une statuette d'Avalokiteçvara (Bodhisattva de la miséricorde) dont le corps gracile et légèrement hanché se dessine sous le vêtement qui modèle les jambes et s'orne de cordons orfévris.
Le culte de Mirok semble être apparu d'abord au royaume du Koguryŏ, qui en possède une représentation assez maladroite très éloignée de l'admirable statue en bronze, d'une hauteur de 93,5 cm, conservée parmi les anciennes collections royales au palais Duksoo de Séoul. Longtemps attribuée au royaume du Silla, elle semble, selon le docteur Kim, devoir être restituée à celui du Paekche dont elle constituerait le chef-d'œuvre. Une coiffure à trois indentations couronne le visage plein, au regard perdu dans un rêve ; le corps, assis dans la pose de la méditation, est moulé d'une étoffe légère qui forme quelques plis aigus sur le genou replié. Le siège rond est couvert d'une draperie aux plis savants. Cette œuvre est d'autant plus précieuse qu'elle semble avoir servi de modèle pour une statue en bois de[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Laurence DENÈS : chercheuse en archéologie coréenne (CNRS, U.R.A. no 1474, études coréennes)
- Arnauld LE BRUSQ : écrivain, docteur en histoire de l'art
- Madeleine PAUL-DAVID : ancien maître de recherche au CNRS, professeure honoraire à l'École du Louvre, chargée de mission au Musée national des arts asiatiques-Guimet
Classification
Médias
Autres références
-
CORÉES - Du rapprochement à la défiance
- Écrit par Marie-Orange RIVÉ-LASAN
- 2 921 mots
Les sociétés nord et sud-coréennes, confrontées en 2008 à la crise financière internationale comme le reste du monde, étaient déjà en proie à des incertitudes et à des difficultés économiques, politiques et sociales différentes, mais non pas moins cruciales. La crise larvée de part et d'autre du 38...
-
ASIE (Structure et milieu) - Géographie physique
- Écrit par Pierre CARRIÈRE , Jean DELVERT et Xavier de PLANHOL
- 34 872 mots
- 8 médias
La péninsule coréenne comprend à la fois des éléments de socle et de pseudo-socle. Le socle précambrien, déjà représenté au nord par les Changbaishan et leur prolongement, le plateau de Kaima, se trouve au centre dans la région drainée par le Han, ainsi que dans le sud où il affleure dans la chaîne diagonale... -
ASIE (Géographie humaine et régionale) - Dynamiques régionales
- Écrit par Manuelle FRANCK , Bernard HOURCADE , Georges MUTIN , Philippe PELLETIER et Jean-Luc RACINE
- 24 799 mots
- 10 médias
LaCorée est traditionnellement nommée le « Pays de l'Orient » (en chinois Dongguo, en coréen Dongkuk) par les Chinois. Prise en tenaille entre les deux grands voisins chinois et japonais, ses monarchies ont versé le tribut à l'Empire chinois jusqu'à la fin du xixe siècle, puis... -
BOUDDHISME (Histoire) - L'expansion
- Écrit par Jean NAUDOU
- 3 116 mots
- 4 médias
La Corée était au ive siècle de notre ère morcelée en plusieurs royaumes, dont les principaux sont le Ko-kou-rye au nord-ouest, le Paik-tchei au sud-ouest, et le Sillā au sud-est. -
BOUDDHISME (Les grandes traditions) - Bouddhisme japonais
- Écrit par Jean-Noël ROBERT
- 13 492 mots
- 1 média
La première communauté était formée de moines coréens : neuf furent envoyés de Paekche en 554 ; ils venaient de remplacer sept autres, qui se trouvaient donc au Japon avant eux ; cela implique qu'il existait des moines qui s'occupaient sans doute exclusivement des immigrés. En 577, six autres religieux... - Afficher les 32 références