CORÉE Arts
Céramique
Le Vieux Silla (IVe-VIIe s.)
« Une céramique dépourvue de toute affectation », telle était la définition de la production coréenne que donnait William B. Honey, l'un des meilleurs connaisseurs de notre temps. Cette céramique s'inscrit, en effet, entre le classicisme rationalisé des créations chinoises et la recherche volontaire des effets naturels des Japonais.
Chez les potiers coréens, la spontanéité est de règle et c'est pourquoi, poursuivait Honey, leurs œuvres atteignent à une perfection rarement dépassée, même chez les Chinois. Il est de fait que certaines pièces se signalent par une excellence qui prime toutes les autres ; mais cette excellence semble l'effet du hasard et, bien souvent, on remarque certains défauts : coups de feu, légers tassements, bases plus ou moins soignées qui, loin de nuire à l'ensemble, donnent aux pièces un charme de plus.
La beauté des céladons de Koryŏ a longtemps éclipsé les poteries plus anciennes du Vieux Silla (ive-viie s.). En terre grise et sonore, elles sont cuites à haute température et revêtues des éclaboussures d'une couverte naturelle due aux retombées de cendres végétales sur les pièces. Des coupes profondes, dont le profil est souligné par des filets concentriques en léger relief, reposent sur de hauts piédestaux cylindriques dans lesquels sont ménagées des ouvertures triangulaires ou quadrangulaires. Cette technique existait déjà, moins élaborée toutefois, dans les poteries noires de la protohistoire chinoise. À ces coupes s'adjoignent des bols à anse plate, des pots à panse globuleuse et d'étranges récipients en forme de corne, de chariot, de barque, de maison ou de cavalier ; c'est ainsi qu'une pièce découverte dans la tombe du Grelot d'or à Kyŏngju figure un cheval trapu portant sur la croupe un entonnoir tandis qu'un long versoir sort de son poitrail.
Peu de décor sur ces pièces, à l'exception de motifs géométriques ou de rosettes incisés, ainsi que des ornements en forme de feuille suspendus par de menus anneaux et qui s'inspirent des orfèvreries de l'époque. Ce dernier trait a permis à E. Mc Cune de donner à l'art de Silla le nom de dangling culture, que l'on peut traduire par « culture tintinnabulante ».
De nombreuses figurines qui étaient souvent apposées sur le pourtour des coupes ont été exhumées avec ces récipients. De dimensions réduites, ces personnages et ces animaux sont modelés de façon sommaire à l'aide de boudins d'argile. Le procédé évoque les décors rapportés au sommet des vases en céladon de Yue (Chine centrale), qui sont du iiie siècle de notre ère. L'expression du mouvement y est saisie avec un rare bonheur. Cette fantaisie est oubliée lors de l'unification du Grand Silla (viie-xe s.), les potiers se consacrant aux urnes funéraires, revêtues, sous une mince glaçure aux reflets jaune-vert, de motifs de rosettes estampées.
L'époque de Koryŏ (918-1392)
Par la variété des formes et des techniques, les céladons aristocratiques de l'époque de Koryŏ peuvent rivaliser, aux xie-xiie siècles, avec les créations Song et Liao. Aux modèles inspirés de la Chine s'associent des formes originales modelées avec une extraordinaire souplesse.
Des gisements de kaolin d'excellente qualité et l'emploi des fours en pente de la Chine du Sud favorisent l'essor d'un art dont, dès 1125, un voyageur chinois signalait la beauté. Profondeur des couvertes aux teintes bleutées, élégance des décors incisés, formes dans lesquelles s'allient modelages et ajours contribuent à donner à cette production une qualité hors de pair. Il est probable que des directives étaient données par les ateliers de la Cour : l'influence de l'orfèvrerie, de l'ébénisterie et des étoffes s'y exerce tour à tour. Celle du laque[...]
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Écrit par
- Laurence DENÈS : chercheuse en archéologie coréenne (CNRS, U.R.A. no 1474, études coréennes)
- Arnauld LE BRUSQ : écrivain, docteur en histoire de l'art
- Madeleine PAUL-DAVID : ancien maître de recherche au CNRS, professeure honoraire à l'École du Louvre, chargée de mission au Musée national des arts asiatiques-Guimet
Classification
Médias
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