CORÉE Cinéma
Au début du troisième millénaire, la Corée du Sud est devenue un pays phare sur la carte du cinéma mondial. Dans l’ombre d’auteurs d’envergure internationale comme Bong Joon-ho, Hong Sang-soo ou Park Chan-wook, le pays produit un cinéma de genre très riche qui s’exporte sur tout le continent. Un retour au premier plan qui s’appuie sur une longue histoire tissée d’éclipses et d’heures de gloire. De son côté, l’industrie cinématographique nord-coréenne, autrefois puissante, paraît aujourd’hui décliner inexorablement.
Un démarrage contrarié
C’est sous le règne du roi Kojong (1863-1907) qu’eurent lieu en Corée les premières séances de lanterne magique puis de cinéma. Au début du xxe siècle, quelques aventuriers américains ouvrent des salles à Séoul. Cependant, alors que la Corée est tombée sous la domination japonaise (1905-1945), son cinéma a du mal à s’épanouir. En 1919, le premier film, Revanche royale de Kim Do-sa, est un « kino-drama » (les images sont projetées en arrière-fond d’une scène derrière les comédiens).
Le premier véritable long-métrage de fiction, L'Histoire de Chunhyang, est tourné en 1923 par Matsujiro Hayakawa, un cinéaste… japonais. Il est inspiré d'un classique de la littérature coréenne, qui fait partie du répertoire pansori– un récit chanté à une seule voix –, qui sera régulièrement adapté au cours des décennies qui suivantes.
Le film le plus marquant de cette période, encore peu étudiée, reste Arirang (1926) de Na Un-gyu. L’œuvre de ce comédien et cinéaste mythique a disparu, à quelques images près. Cependant, les articles de presse parus à l’époque témoignent d’un phénomène majeur. Le film relate le destin d’un jeune homme qui revient au village natal, atteint de démence. Lorsqu’un riche propriétaire tente de violer sa sœur, il s’empare d’une faucille et le tue. Dès que la police l’arrête, il retrouve la raison. Certains ont vu là une métaphore de l’occupation japonaise. On raconte qu’à la fin du film, les spectateurs se levaient pour entamer « Arirang », chant patriotique et hymne à la terre coréenne. Au temps du muet, les films projetés étaient accompagnés par un conteur (pyonsa) qui se tenait à côté de l’écran pour commenter les images. On peut penser que les pyonsas ont joué un grand rôle dans la réception de ce film et dans son interprétation. Quoi qu’il en soit, Na Un-gyu aura été la première superstar de Corée. Atteint de tuberculose, il meurt en 1937 à l’âge de 34 ans, après avoir tourné une vingtaine de films en une décennie.
Le retard économique mais aussi l’immense popularité des pyonsas explique le passage tardif au parlant avec une nouvelle version de L’Histoire de Chunhyang, réalisée par Lee Myeong-woo en 1935. Cependant, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, la pression de l’occupant s’intensifie. Le cinéma coréen doit se mettre entièrement au service de la propagande japonaise.
De 1923 à 1946, 171 films sont produits en Corée, soit une moyenne de 6 films par an. Peu après la défaite du Japon, en 1945, la guerre de Corée retarde la véritable naissance d’un cinéma coréen. Des films tournés avant la partition de la péninsule en 1953, il ne reste que des bribes en mauvais état que quelques chercheurs parviennent à restaurer et assembler. Ce sont jusqu’à présent les seuls témoignages d’un cinéma coréen. Car désormais, il existera deux cinémas, l’un au Nord, l’autre au Sud.
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Écrit par
- Adrien GOMBEAUD : journaliste
- Charles TESSON : critique de cinéma, maître de conférences en histoire et esthétique de cinéma, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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