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CORÉE Cinéma

L'âge classique du cinéma sud-coréen

En 1955, Lee Gyu-hwan signe le premier grand succès de l’après-guerre avec un remake de L'Histoire de Chunhyang. Placé jusqu'alors sous la tutelle du ministère de la Défense, le cinéma passe sous celle du ministère de l'Éducation. Tourné en noir et blanc et en décors naturels à Séoul, Les Fleurs de l'enfer (1958) de Shin Sang-ok (1926-2006) ouvre la voie à un véritable renouveau artistique. En décrivant les conditions de vie après la guerre (le marché noir) et la présence militaire américaine, le metteur en scène dresse un sombre portrait de la jeunesse coréenne. Figure majeure du cinéma coréen, Shin Sang-ok tournera par la suite L'Invité de la chambre d'hôte et ma mère (1961), qui raconte l'histoire d'une veuve qui s'éprend d'un peintre qu'elle héberge. Le conflit, qui voit l'héroïne partagée entre ses sentiments et le devoir moral, fait du film un classique du mélodrame confucéen. Shin Sang-ok brille également dans la fresque historique, avec Yonsan Gun (1961), en cinémascope et en couleurs, évocation d'un tyran qui a régné de 1495 à 1506. Le film connaît plusieurs suites où le roi maudit Yonsan devient au fil des ans un double du dictateur Park Chung-hee qui a pris le pouvoir à la suite d’un coup d’État en 1962. En 1978, Shin Sang-ok disparaît à Hong Kong, avant d’être transféré en Corée du Nord où il tournera plusieurs films avec son épouse, la comédienne Choi Eun-hee. Il s’évade en 1986 et s'installe aux États-Unis avant de rejoindre Séoul. Les conditions de cet épisode rocambolesque restent mal connues.

Parmi les cinéastes fondateurs du cinéma coréen, il faut mentionner Kim Soo-yong (né en 1929), auteur d'une œuvre prolifique dont on retiendra les drames réalistes, Le Village au bord de la mer (1965) et Le Brouillard (1967). Ainsi que Yoo Hyun-mok (1924-2009), dont Une balle perdue (1960) est souvent cité par la critique comme le plus grand film de l’après-guerre. Parmi ses autres œuvres, Un rêve vide (1965), Les Invités arrivés par le dernier train (1967) et La Saison des pluies (1979) mêlent un portrait âpre et réaliste de la situation politique et sociale à des éléments fantastiques et merveilleux.

Dans ce contexte, l'œuvre de Kim Ki-young (1919-1998) détonne. S'il reprend le triangle amoureux propre au mélodrame confucéen – l'intrusion d'un tiers dans la vie d'un couple –, il le fait pour dynamiter les tabous sexuels, tout en insistant sur les rapports de pouvoir qui existent entre maître et domestique, en particulier dans La Servante (1960), The Woman of Fire(1970), The InsectWoman(1972) et The Woman of Fire82 (1982). Son cinéma au vitriol, qui cultive le mauvais goût et critique les valeurs hypocrites de la société, ouvre une brèche au sein d'une cinématographie contrôlée par la censure de la dictature militaire.

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Écrit par

  • : journaliste
  • : critique de cinéma, maître de conférences en histoire et esthétique de cinéma, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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