CORÉE Cinéma
Un système de quotas
L'industrie du cinéma sud-coréen doit son développement (86 films produits en 1961, 189 en 1965, 229 en 1969) à un encadrement rigoureux. En 1962, une loi oblige chaque compagnie de production à distribuer au moins 15 films par an, ce qui réduit leur nombre de 71 à 21. Toute compagnie désirant importer un film étranger (le chiffre d'importation annuel ne doit pas excéder le tiers de la production nationale) se doit de produire plusieurs films coréens. Ce système, dit du « quota quickies », diminue les importations tout en encourageant la production de films B, tournés rapidement, pour satisfaire les critères d'importation. En 1966, une nouvelle loi oblige les exploitants à programmer les films coréens entre 60 et 90 jours par an. Cette contrainte passera ensuite de 106 à 146 jours. Ces mesures protectionnistes à l'encontre du cinéma américain – les films japonais seront quant à eux interdits jusqu'en 1998 – renforcent le cinéma national tout en l'isolant, car les films s'exportent mal.
Les dernières années de la dictature militaire du président Park Chung-hee, assassiné en 1979, sont les plus sombres pour le cinéma coréen comme pour l’ensemble du monde culturel. Le film de Lee Man-hui, La Route de Sampo(1975), très vite censuré, annonce la peinture désenchantée des défavorisés. Il constituera l'œuvre de référence des futurs cinéastes de la nouvelle vague coréenne.
L'assassinat de Park Chung-hee, suivi de nombreuses manifestations réprimées dans le sang (le massacre de Kwangju en 1980), entraîne l'instauration de la loi martiale. La production passe en dessous de 100 films par an, tandis que se met en place un cinéma militant autour du Seoul Film Collective, fondé en 1982. La lente démocratisation du régime débouche sur un cinéma de critique sociale, symbolisé par les films de Park Kwang-su (né en 1955), avec Chilsu et Mansu(1988), sur deux peintres de panneaux publicitaires qui rêvent de partir à l'étranger, et République noire (1990), sur un ancien activiste recherché par la police. De son côté, Jang Sun-woo (né en 1952), plus volontiers anarchiste et provocateur, s'impose avec Lovers in Woomuk-Baemi (1990), dont le naturalisme, proche du cinéma de R. W. Fassbinder, articule condition sociale et sexualité. Lies (Fantasmes, 1999), qui prend pour thème les relations sado-masochistes entre un sculpteur et une jeune fille, s'attire par la suite les foudres de la censure coréenne.
Ce n’est qu’à la fin des années 1980 que l'on découvre en Occident les premiers films d' Im Kwon-taek (né en 1936), auteur d'une œuvre prolifique. La Mère porteuse (1987), avec l'admirable Kang Soo-yeon, témoigne de son goût pour les films historiques et les récits qui bousculent en douceur l'ordre établi des valeurs de la société coréenne. Si La Chanteuse de pansori (1993) rend hommage à un art populaire disparu, son œuvre atteint la reconnaissance internationale avec Le Chant de la fidèle Chunhyang (2000), formidable interrogation sur les pouvoirs imagés d'un récit vocal, et avec Ivre de femmes et de peinture (2002), autoportrait du cinéaste en peintre insoumis, puisant son énergie créatrice dans l’alcool et l'amour des femmes.
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Écrit par
- Adrien GOMBEAUD : journaliste
- Charles TESSON : critique de cinéma, maître de conférences en histoire et esthétique de cinéma, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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