CORÉE Cinéma
Le cinéma nord-coréen, de l’expansion à l’abandon
Le cinéma nord-coréen paraît suivre le destin inverse. Dès la fin de la guerre de Corée, le nouveau régime prend en main le développement du septième art et les studios de Pyongyang sont rapidement reconstruits. Le pays produit sa première fiction en 1949 : Mon pays natal, de Kang Hong-sik. De jeunes cinéastes sont envoyés à Moscou pour y étudier dans les studios russes. Des cinéastes du bloc de l’Est mais aussi des Italiens ou des Français sympathisants communistes se rendent à Pyongyang pour tourner des films. Le plus connu est aujourd’hui Moranbong, écrit par Armand Gatti et réalisé par Jean-Claude Bonnardot en 1959.
La fin des années 1950 fixe les canons de l’« esthétique Chollima », du nom du cheval ailé de la mythologie coréenne que l’on verra désormais régulièrement bondir en amorce des génériques. La Corée du Nord entend se détacher des modèles soviétiques pour ouvrir sa propre voie, exalter ses héros, sa culture. Kim Jong-il, fils du premier dirigeant du pays Kim Il-sung, et futur leader, accède à la direction du bureau de la propagande et devient personnellement chargé du développement du septième art. Au début des années 1970, il publie « De l’art cinématographique », essai et manuel à l’usage des cinéastes qui fait encore référence. Il supervise la production de nombreux films, initie la création d’un musée du cinéma… Pyongyang compte trois studios : le Studio des films artistiques (divisé en plusieurs coopératives), le Studio du 8 février (qui est supervisé par l’armée et spécialisé dans les films militaires) et le Studio des films scientifiques et éducatifs (qui produit des documentaires et des films d’animation).
Les studios de Pyongyang entrent alors dans un âge d’or qui durera jusqu’aux années 1990. En Chine, la révolution culturelle a étouffé le cinéma national et la fermeture des frontières bloque l’importation de films américains ou hongkongais. Dans ce contexte, les productions nord-coréennes connaissent un grand succès chez leur voisin. Les films d’arts martiaux, comme Hong Kil-dong de Kim Kil-in (1986), s’exportent jusqu’en Europe de l’Est. Le mélodrame de Pak Hak et Cho Ik-kyu, La Jeune Bouquetière,est même primé au festival de Karlovy Vary en 1972. À cette époque, la Corée du Nord tourne jusqu’à 30 films par an. Beaucoup sont conçus sous forme de séries en plusieurs épisodes. Le parti distingue les « chefs-d’œuvre immortels » comme La Mer de sang (Choi Ik-kyu, 1972), La Jeune Bouquetière, Ahn Jung-gun abat ItoHirobumi (Om Kil-son, 1979), l’un des nombreux récits de la lutte anti-japonaise.
Le début des années 1980 voit grandir l’ambition de ces productions, notamment grâce à l’arrivée de Shin Sang-ok et Choi Eun-hee. Le cinéaste et sa star bénéficient de budgets quasiment illimités. Mission sans retour (1984) est en partie tourné en Tchécoslovaquie et, pour la première fois, les studios de Pyongyang travaillent avec des comédiens européens. La même année, Shin Sang-ok réalise Amour, amour, mon amour, son adaptation de l’histoire de Chunhyang. En 1985, il tourne Le Sel, qu’il considérait comme son plus grand film nord-coréen. Choi Eun-hee reçoit pour son rôle le prix de la meilleure interprète au festival du film de Moscou. Shin Sang-ok peut ensuite se lancer dans Pulgasari, une variation sur Godzilla transposée à l’époque médiévale, qui reste le seul film de monstre nord-coréen. La même année, le pays coproduit The Last Mission, une série B italienne réalisée à Pyongyang par Ferdinando Baldi. En 1987, le régime inaugure son premier festival international qui se tiendra désormais tous les deux ans dans la capitale. Cependant, la grande famine et la crise économique qui frappent le pays dans les années 1990 affectent aussi l’industrie du cinéma. À la fin de la décennie et[...]
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Écrit par
- Adrien GOMBEAUD : journaliste
- Charles TESSON : critique de cinéma, maître de conférences en histoire et esthétique de cinéma, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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