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CORÉE Littérature

La littérature de la Corée du Sud après 1945

Après la libération : une littérature de « division »

Le Japon ayant perdu la Seconde Guerre mondiale, la Corée recouvrait sa liberté. Mais le rétablissement d'une littérature nationale perceptible dans Ingan tongŭi (Proposition humaine, 1950) de Kim Tongni (1911- ?) fut à peine amorcé que la guerre de Corée (1950-1953) éclata, plongeant à nouveau la péninsule dans un drame dont les conséquences allaient marquer profondément la vie littéraire jusqu'aux années 1970, au point que l'on parle de « littérature de division ».

Le thème qui domine cette période est la guerre. La génération des écrivains représentés par Chang Yonghak (1921-1999) et Son Ch'angsŏp (1922-2010) exprime son désespoir face à un événement, appréhendé, en premier lieu, comme la marque d'un destin injuste : Chesam inganhyŏng (Un troisième type d'homme, 1954) d'An Sugil (1911-1977), Obungan (En l'espace de cinq minutes, 1957) de Kim Sŏnghan (1919-2010), Obalt'an (Balle perdue, 1959) de Yi Pŏmsŏn (1920-1982). Plus critiques sont Pak Yŏngjun (1911-1976), qui dénonça le goût expansionniste du Nord dans son roman Ppalch'isan (Guérilla, 1954) ; O Sangwŏn (1930-1985), qui interpréta la guerre comme une perte pure et simple dans Muksal tanghan saram-dŭl (Les Hommes tués par le silence, 1956) ; Pak Yŏnhŭi (1918-1990), qui accusera dans son Chung'in (Témoin, 1955), d'un ton violent, le régime autoritaire de Syngman Rhee. Certains romanciers choisirent la voie de la lutte, donnant à leurs œuvres un accent de modernité : Sŏnu Hwi (1922-1986), par exemple, qui dans Pulkkot (Étincelles, 1957) mit l'accent sur la nécessité de faire face à son destin, une volonté que l'on retrouve dans Kwangjang (La Place publique, 1960) de Ch'oe Inhun (1936-2018), roman idéologique publié l'année de l'insurrection des étudiants (avril 1960). Cette tendance à quitter le roman de la « soumission » pour une littérature dite de « renouveau » se reflète dans Amya haeng (Marche dans les ténèbres, 1955) de Kim Sŏnghan, Moban (Complot, 1957) de O Sangwŏn, T'altchul (Fuite, 1955) de Chŏng Yŏnhŭi (née en 1936), tous influencés par la littérature occidentale de « révolte ».

Ce n'est toutefois qu'une dizaine d'années plus tard (au début de 1970) que se dessine une réelle diversité dans la manière d'appréhender la guerre et la division. Outre la vision traditionnelle que l'on retrouve dans Angae pada (La Mer dans la brume, 1978) de Han Sŭngwŏn (né en 1939), Kwanch'on sup'il (Les Essais de Kwanch'on, 1972) de Yi Mungu (1941-2003), Changma (Une longue période de pluie, 1973) de Yun Hŭnggil (né en 1942), ou encore Kyŏul naduri (Sortie en hiver, 1975) de Pak Wansŏ (1931-2011), une des grandes romancières du groupe des années 1960-1970, une approche nouvelle engendre une « prise de conscience du soi » représentée par Ŏdum-ŭi hon (L'Esprit des ténèbres, 1967) de Kim Wŏn'il (né en 1942), ou Somun-ŭi pyŏk (Le Mur des rumeurs, 1972) de Yi Ch'ŏngjun (1939-2008). Une troisième approche, socio-historique, va inciter certains écrivains tels que Hong Sŏngwŏn (né en 1937), dans son long roman Nam-kwa puk (Le Nord et le Sud, 1977), à décrire les changements sociaux provoqués par la fracture Nord-Sud. Notons que la grande majorité des « romans longs » coréens sont des romans historiques : parmi eux, T'oji (La Terre, 1969-1982) de Pak Kyŏngni (1926- 2008), « roman-fleuve » relatant les vicissitudes d'une famille paysanne avant, pendant et après la colonisation japonaise, et Chang Kilsan (Chang Kilsan, 1984) de Hwang Sŏg'yŏng (né en 1943), récit de la vie tragique d'un rebelle légendaire au xviiie siècle, marquent les grands accomplissements[...]

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Écrit par

  • : docteur d'État ès lettres, professeur à l'université de Paris-VII
  • : ancien ingénieur de recherche au CNRS, ancien directeur de l'Institut d'études coréennes du Collège de France, ancien chargé de cours à l'université de Paris-VII
  • : maître de conférences à l'UFR de langues et de civilisations d'Asie orientale à l'université de Paris-VII

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