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CORPORATIONS

Les corporations du XIe au XIVe siècle

Quels que puissent être les héritages collégiaux – romain dans l'Europe méridionale, germanique dans l'Europe septentrionale – les corporations, filles des villes, naissent avec elles au xie siècle (il s'agit alors d'associations de marchands, à l'exception de celle d'Arras), mais c'est aux xiie et xiiie siècles qu'elles se multiplient et s'organisent en se donnant ou en recevant leurs premiers statuts et leurs premiers privilèges : les tisserands de Londres et les cordonniers de Rouen avant 1135, les cordonniers de Wurtzbourg en 1128, les pelissiers de Saragosse en 1137, les taverniers de Chartres en 1147, les tisserands de Cologne en 1149, les corroyeurs de Toulouse en 1158, etc. Vers le milieu du xiiie siècle, le célèbre Livre des métiers (inachevé) d'Étienne Boileau recueille les statuts de 101 corporations parisiennes (il y en aura 142 à Venise).

À la fin du xiiie siècle, la plupart des statuts de corporation définissent la composition des « métiers » en trois catégories : les maîtres, les apprentis (normalement destinés à devenir maîtres), les valets (en général appelés compagnons à partir du xve s.). Les conditions d'entrée dans la corporation varient ; en général, les maîtres doivent faire preuve de compétence technique, « avoir de quoi » et le montrer en payant des droits d'entrée parfois levés par les autorités politiques (à Paris, le roi) ou en déposant une caution. Les rapports entre la corporation et les pouvoirs publics consistent en divers droits de regard des autorités, et dans la prestation collective par la corporation de certaines redevances et de certains services : guet, service militaire, services d'hygiène, etc. (en 1429, les gens de métier de Troyes, de service aux portes, ouvrent celles-ci à Jeanne d'Arc). La réglementation professionnelle vise la qualité des produits, soigneusement définie et vérifiée par des inspecteurs du métier, parfois sanctionnée, comme dans le textile, par l'apposition du sceau corporatif, garantie par des interdictions comme celle du travail nocturne. Le contrôle, la police et la justice des métiers étaient assurés par des membres choisis en leur sein, élus ou nommés (par ou avec l'accord des autorités publiques) et portant des noms divers : jurés, gardes, maieurs, syndics. Les relations entre maîtres, apprentis et valets étaient fixées de façon à assurer l'étroite dépendance des apprentis et des valets par rapport aux maîtres, sur un mode familial masquant mal une sorte de vassalité économique, sociale et morale. En dehors même des confréries, les corporations imposaient à leurs membres l'assistance à diverses cérémonies, soit particulières à la corporation (messe et procession lors de la fête du saint patron, enterrements et messes à la mémoire des membres de la corporation, banquets), soit établies dans le cadre urbain. Les finances de la corporation étaient alimentées à la fois par les droits d'entrée, les droits de sceau, les amendes, des cotisations diverses et des dons.

Dès le début, le système corporatif tendit à se hiérarchiser. Non seulement apprentis et surtout valets sont inférieurs aux maîtres, qui cherchent à accaparer le pouvoir de décision en principe confié, dans les cas importants, à des assemblées de tout le métier, mais une hiérarchie s'instaure peu à peu parmi les maîtres : les jurés, souvent choisis en fonction de leur fortune et de leur prestige social, forment une catégorie supérieure ; il y a parfois des classes hiérarchisées de maîtres (par exemple : anciens, modernes, jeunes). Enfin, il y a une hiérarchie des métiers. Dans le bâtiment, maçons et plâtriers ont des privilèges refusés aux tailleurs de pierre et mortelliers. Tantôt les foulons sont confinés dans le bas de la hiérarchie des[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études

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