CORPS Cultes du corps
Le souci du corps et son prix
Le marché corporel ne consiste plus seulement à arborer l'insigne, la marque et la mode. Héritant du fitness, du bodybuilding et de l'entretien du corps, les produits corporels transforment le corps pour le régénérer. La fin du corps naturel est la naissance d'une auto-programmation de son propre corps en faisant son marché sur les réseaux de thérapies et de soins afin de construire une convergence corporelle des produits dans le corps.
Le programme personnalisé du body-coach cherche à adapter l'utilisation des produits en transformant le corps marchandise en corps capital : s'entretenir devient un moyen de faire son propre marché corporel dans une automédication psycho-physique. Un nouveau marché corporel s'est mis en place depuis 1990 en offrant des techniques, des pratiques, des parcours et des stages pour se construire un « soi corporel ».
Cette convergence charge, recharge et télécharge le corps d'images, de produits, de pratiques pour constituer, moins un mélange, qu'une unité holistique. Les marchands du corps (comme on dit marchands du temple) proposent des produits qui découpent le corps comme les pièces d'un puzzle que le client corporel peut assembler selon un modèle thérapeutique s'il veut se conformer à une ligne directrice extérieure ou selon son propre dessein s'il s'autodésigne lui-même.
La segmentation du corps privilégie le marché, chacun devant faire son marché par l'autoprescription des techniques, des thérapies et des produits. Faire son marché corporel suppose d'une part une offre diversifiée, spécialisée et partielle susceptible de répondre en partie à des morceaux de symptômes en proposant, sinon la panacée, au moins une médecine holistique capable de guérir la partie à partir du système global de soin.
Le marchand corporel, qu'il soit représenté par un laboratoire multinational, une secte ou un thérapeute des médecines douces, propose toujours à travers un produit une démarche thérapeutique plus globale : le produit est une entrée, moins dans une gamme que dans un parcours qui l'utilise comme un élément parmi d'autres, même s'il est en fait un appât, un produit d'appel. Se soigner est dès lors un circuit marchand spécialisé à l'infini, que le sujet découvre et vit comme une médecine alternative, qui coûte toujours fort cher.
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Écrit par
- Bernard ANDRIEU : professeur d'épistémologie du corps et des pratiques corporelles à la faculté du sport de Nancy
Classification
Média
Culturisme
I. Csak / Shutterstock
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