CORPS Le corps et la psychanalyse
Le corps dans les troubles psychosomatiques, dans l'hypocondrie et dans la psychose
Parce que les symptômes hystériques se situent au plus près de cette articulation paradoxale du corps et du langage dans l'inconscient, on peut attendre que l'hystérie permette de penser, par différence, d'autres modes d'incidence du corps que la psychanalyse rencontre indirectement ou directement : les troubles psychosomatiques, l'hypocondrie, la désarticulation du corps dans la psychose.
Si l'hystérie est le processus par lequel les jeux de mots prennent dans leurs mailles le corps érogène, les troubles psychosomatiques ont, au contraire, pour champ les répercussions dans le corps physiologique, autonome par rapport au corps pulsionnel, de l'histoire des pulsions. C'est pourquoi l'on dit qu'il n'y a pas de conversion symbolisante dans les maladies psychosomatiques. En cette matière, bien des confusions se sont introduites ; historiquement, le concept de maladie psychosomatique s'est formé grâce, si l'on peut dire, à un contresens sur l'hystérie. C'est en prenant le risque de noyer dans une imaginaire unité primordiale de la psyché et du soma la spécificité de la métaphorisation de la jouissance hystérique et du corps érogène que Felix Deutsch, en 1924, a cru pouvoir étendre le concept de conversion à des troubles dans lesquels ne se produit pas la même métaphorisation – figuration de la jouissance. C'était confondre le jeu des interactions entre deux types de corps et la plasticité du corps érogène capable de symbolisation.
La question présente, certes, une grande complexité, puisqu'il peut y avoir passage de l'hystérie au psychosomatique ou inversement, bien que ces deux concepts relèvent de deux approches hétérogènes du corps. Il n'est pas exclu qu'entre des angoisses, des troubles digestifs hystériques et des ulcères gastriques, certaines variations interviennent pour un même sujet ; on conçoit que des impasses dans la symbolisation de la jouissance et des refoulements jamais entamés induisent, du fait de la contiguïté entre corps érogène et corps physiologique, des lésions qui ne sont pas en elles-mêmes interprétables. Inversement, il peut se faire qu'une cure analytique ou certains moments décisifs d'une vie permettent à un sujet de produire des symptômes hystériques à la place de troubles dont il ne voulait depuis longtemps rien savoir et qui s'étaient figés en maladies à lésions. Il ne s'agit pas pour autant d'une transition mais d'un changement de registre. Et il convient de se demander, à lire Groddeck par exemple, si ce qui est interprétable ou peut le redevenir, c'est la lésion elle-même ou plutôt le processus pulsionnel qui continue à s'exprimer là où elle se produit. La violence même et le caractère sauvage des interprétations de Groddeck consistent à refaire parler la pulsion plutôt qu'à proclamer l'homogénéité de la psyché et du soma.
Dans une perspective certes différente, on a parfois proposé de changer de modèle pour concevoir le corps érogène et, comme le fait Pierre Fédida, de s'appuyer sur l'hypocondrie et non plus sur l'hystérie.
L'hypocondrie, c'est l'organisation pulsionnelle qui privilégie la contiguïté de la maladie et du désir. La tumescence et la détumescence du pénis en viennent à représenter tout organe douloureusement affecté et le corps organique se transforme « fantastiquement » en corps du désir dans son rapport au dysfonctionnement et à la mort. Mais, si l'on prend la mesure de la généralité et de la pertinence de l'énergétique freudienne, il semble plutôt que l'hypocondrie soit un destin pulsionnel particulier, et non le phénomène princeps qui ferait comprendre la spécificité du corps érogène, qui n'est[...]
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Écrit par
- Monique DAVID-MÉNARD : professeur de chaire supérieure à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot, psychanalyste
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