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ALVARO CORRADO (1895-1956)

Journaliste et écrivain italien débutant par des poésies à l'époque des années 1910, où le roman était en Italie un genre discrédité par l'influence de l'esthétique de Croce et par la suite de la crise du naturalisme positiviste, Corrado Alvaro est surtout connu comme narrateur et essayiste. Cet ami de Pirandello, en effet, n'a été que marginalement tenté par le théâtre : La Longue Nuit de Médée (Lunga Notte di Medea, 1941).

Grièvement blessé durant la Grande Guerre, il commence son activité de journaliste dès 1917 et collabore successivement aux plus grands journaux de son pays : Il Resto del Carlino, Il Mondo, vite interdit par le régime fasciste, Il Corriere della Sera et La Stampa. Cela lui permet de recueillir les impressions de ses nombreux voyages en Italie et dans le monde. Sa réflexion porte essentiellement sur les rapports entre la modernité et la tradition. À vrai dire, c'est plus l'Italie de toujours que l'Italie contemporaine qui l'intéresse dans L'Itinéraire italien (Itinerario italiano, 1933). Dans son Voyage en Turquie (Viaggio in Turchia, 1932), il fait l'éloge de la politique de réformes de Mustafa Kemal et minimise les difficultés de l'occidentalisation, pour mieux affirmer que le renouveau national est compatible avec la continuité des traditions populaires. Dans Les Maîtres du déluge : voyage dans la Russie soviétique (I Maestri del diluvio : viaggio nella Russia sovietica, 1938), il s'efforce d'analyser les contraintes subies par la révolution bolchevique dans l'industrialisation forcée et accélérée d'un régime jusqu'alors féodal, tout en condamnant le fétichisme de la technique. Dans la mesure où ce fils d'instituteur d'un village calabrais se réfère toujours à un système de valeurs qui est celui de la civilisation paysanne qui l'a élevé, son effort pour sympathiser avec les peuples le conduit à idéaliser les traditions nationales ou locales, en tout cas ancestrales, sans jamais cependant céder au folklore.

Son premier roman, L'Homme dans le labyrinthe (L'Uomo nel labirinto, 1926), qui illustre le manque de confiance en soi de l'individu moderne paralysé par la conscience de sa médiocrité, le rattache au décadentisme européen. Dans Vingt Ans (Vent'Anni, 1930), il s'interroge, à travers la fiction, sur la manière dont les jeunes de sa génération ont vécu la crise de la société bourgeoise libérale qui s'est écroulée après la Grande Guerre pour faire place au fascisme. Toutefois, dans une œuvre narrative partagée inégalement entre le cosmopolitisme et le régionalisme, Alvaro est surtout apprécié comme le poète en prose de sa terre d'enfance.

Cet homme du Sud qui a retenu la grande leçon de réalisme social des véristes siciliens reconstitue avec une exactitude d'ethnologue la vie des bergers calabrais dans les récits de Gens d'Aspremont (Gente in Aspromonte, 1930). De plus en plus, toutefois, au fil des nouvelles ultérieures, il tend à mythifier ce monde archaïque où les paysans répètent rituellement des gestes devenus fabuleux aux yeux du souvenir. Ayant dû quitter très tôt sa famille et son village pour aller étudier à Rome dans un collège de jésuites, Alvaro gardera toute sa vie la nostalgie de l'univers maternel et de ce monde primitif où l'enfant s'est éveillé à la vie en découvrant en solitaire la poésie des objets que l'on façonne. Largement autobiographique, son meilleur roman, La Brève Enfance (L'Età breve, 1947) décrit le désarroi du jeune garçon qu'un père modeste, maladroitement soucieux de le faire étudier, arrache prématurément à son milieu d'origine. Ce douloureux passage de la campagne éducatrice à la ville corruptrice, de la civilisation paysanne primitive à la société d'abondance aliénante, de l'enfance poétique au malaise adulte[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université Stendhal, Grenoble

Classification

Autres références

  • ITALIE - Langue et littérature

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    • 28 412 mots
    • 20 médias
    ...trouve aussi Treoperai (1934) de Carlo Bernari (pseudonyme de Carlo Bernard, 1909-1992), qui aborde la question de la condition ouvrière à Naples, et Corrado Alvaro (1895-1956), auteur de Gente in Aspromonte (1930), qui décrit les conditions de vie du peuple de la région de Calabre dont il est originaire....