CORRESPONDANCE 1854-1898 (S. Mallarmé) Fiche de lecture
Stéphane Mallarmé (1842-1898), « poète maudit » selon Verlaine, issu du Parnasse, figure de proue (malgré lui) du mouvement symboliste, traducteur d’Edgar Poe, critique d'art, voua sa vie entière à la quête de la Beauté idéale. Pour lui, la « poësie » en eût été l'expression ou le rêve absolu, quand tout le reste ne serait que mensonge.
Établie, présentée et annotée par Bertrand Marchal, publiée sous la direction de Jean-Yves Tadié, la Correspondance. 1854-1898 (Gallimard, 2019) vient s'inscrire dans la longue entreprise éditoriale commencée en 1959 par Henri Mondor et Jean-Pierre Richard, puis reprise, complétée et augmentée par Lloyd James Austin. Cette nouvelle édition rassemble en un seul volume, et dans l'ordre chronologique, les 3 339 lettres du poète des Loisirs de la poste, évitant ainsi leur dispersion. Le texte des originaux a été respecté à la lettre près, même quand il était fautif. Outre un avant-propos et une note sur le texte, l’ouvrage comprend plusieurs « appendices » : une « chronologie » reprenant les principaux événements biographiques dont se fait l’écho l’épistolier, une « bibliographie succincte », puis des « index » des noms de toutes les personnes et œuvres citées.
« Le monde est fait pour aboutir à un beau livre »
Cette abondante correspondance dessine l’évolution du poète : les lettres de l’adolescence (1854-1859) montrent un jeune pensionnaire chérissant sa famille, plein de piété catholique, soucieux de ses études, mais déjà appelé par la vocation poétique vers autre chose que la « tisane classique ». Plus longues, les lettres datant de son départ de Sens pour Londres en 1862 jusqu’à son installation à Paris en 1871 sont successivement celles d’un jeune homme follement amoureux de sa future épouse (Maria Gerhard) avec laquelle il séjourne à Londres pour parfaire son anglais, puis celles d’un professeur d’anglais exilé au fin fond de l’Ardèche, très chahuté, en quête de congé ou d'une mutation. Elles sont tout aussi bien celles d’un bon père de famille qui s’émerveille de la naissance de sa fille Geneviève, louant la vie simple au foyer, que celles d’un poète en « crise de vers » qui cultive et honore l’amitié (Henri Cazalis, Eugène Lefébure, Théodore Aubanel, Catulle Mendès, Frédéric Mistral, etc.).
De 1872 à 1884, la correspondance change de nature : l'homme de lettres habite désormais Paris (rue de Moscou, puis rue de Rome où auront lieu par la suite les fameux « mardis »), établit ses réseaux dans le milieu littéraire parisien tandis que le père de famille est très affecté par le drame de la maladie et de la mort de son tout jeune fils Anatole. Enfin, durant la dernière période, de 1885 à sa mort en 1898, le notable très courtisé écrit des lettres d’autant plus courtes que leur nombre s’accroît, de même que sa façon de manier la syntaxe se fait plus singulière ; elles prennent plus souvent la forme de messages étrangement resserrés sur des cartes de visite en remerciement des nombreux livres qui lui sont envoyés ; elles donnent parfois lieu à la création amusante de quatrains légers dont « la magie de la rime » joue avec le patronyme du correspondant ; quand elles se font plus longues, elles s’adressent à sa fille et à son épouse lors de ses séjours solitaires à Valvins, ou concernent ses amitiés d’artiste (Villiers de L'Isle-Adam, François Coppée, Pierre Louÿs, Édouard Manet, Henri de Régnier, Georges Rodenbach, Paul Verlaine, Francis Vielé-Griffin, Émile Zola, etc.), ses projets avec ses éditeurs et sa liaison avec Méry Laurent.
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Écrit par
- Yves LECLAIR : professeur agrégé, docteur en littérature française, écrivain
Classification
Média