CORRESPONDANCE 1854-1898 (S. Mallarmé) Fiche de lecture
Aux sources du poème
Cette somme épistolaire montre au jour le jour, dans les particularités d’un destin, le très haut idéal de l'artiste autant que les petits côtés de l'homme : elle suit ses tribulations, de Passy à Sens, Londres, Tournon-sur-Rhône, Avignon, Besançon, Paris ou Valvins ; elle révèle une âme très attachée au temps qu’il fait, à son foyer, à ses amis autant qu’aux soirées mondaines ; elle illustre une vie dénuée d’anecdotes, loin des clichés, écartelée entre la réalité absurde à laquelle le confronte son ratage professoral et le « glorieux mensonge » du Livre idéal.
Au-delà de l’autobiographie, ces lettres reflètent l'évolution d’une poétique : le style se transforme progressivement, tendant, par l’anglicisme, l’adjectivation ou l’anacoluthe, à la plus cinglante concision, au spasme verbal.
Cette correspondance éclaire également la genèse de l'œuvre poétique : Mallarmé confie ses difficultés à écrire Hérodiade, ses espoirs et déconvenues autour de L'Après-midi d'un faune, son impuissance créatrice, sa découverte du néant ; il explicite, paraphrase ou élucide certains poèmes, tels que « Soupir », « Brise marine » ou « Le phénomène futur » ; il livre les secrets de composition de « L’azur », justifie le « ptyx » de son fameux « Sonnet en X », ou bien commente son « Hommage (à Richard Wagner) ».
Enfin, ces lettres constituent un précieux document historique : elles offrent en effet un tableau de la petite société littéraire parisienne et collationnent en une immense bibliothèque les œuvres des poètes, grands ou mineurs, du dernier tiers du xixe siècle ; elles mettent en scène l'un de ses acteurs essentiels, qui défend Paul Verlaine, admire Émile Verhaeren ou célèbre Villiers de L'Isle-Adam. Elles écartent bien des poncifs, ne serait-ce que celui d'un poète enfermé dans sa tour d’ivoire.
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Écrit par
- Yves LECLAIR : professeur agrégé, docteur en littérature française, écrivain
Classification
Média