CORRESPONDANCE 1954-1968 (P. Celan, R. Char) Fiche de lecture
Un humanisme prophétique
Dès l’année 1966, Gisèle Celan-Lestrange poursuit la correspondance de son mari avec René Char, jusqu’en 1977. Ses lettres témoignent du désastre familial et intime qu’elle vit, en même temps que de son travail d’artiste peintre et graveur. Les réponses de Char qui, lui aussi, a accompagné la démence d’un proche (sa sœur Julia, morte en février 1965) et qui connaît de graves problèmes de santé, sont celles d’un confident fidèle et magnanime. Elles ne cessent d’éclairer quels furent les engagements de toute sa vie : un humanisme prophétique, soucieux de défendre le visage de l’homme annihilé par les dictatures autant que les paysages défigurés de notre Terre, comme en témoigne le tract « Fusées de Provence » que le poète du Vaucluse adresse au couple, en avril 1966. Après son engagement dans la Résistance, René Char est sorti de son retrait pour militer contre l'implantation des fusées nucléaires sur le Plateau d'Albion.
Outre la tragédie d’un écrivain juif exilé et les luttes d’un résistant multiple, ces belles lettres illustrent, dans leur haute concision, le génie de deux poètes de l’« azur noir ». Celles de Paul Celan portent l’intransigeance lapidaire de ses noirs diamants poétiques, sculptés comme les silhouettes de Giacometti ; les missives de René Char filent l'écriture hautaine et métaphorique de ses sibyllins aphorismes. En somme, cette correspondance témoigne de deux destins particulièrement emblématiques dans les enfers du xxe siècle : l'un fut le poète crucifié de la haine antisémite et l’autre le haut combattant contre toutes les formes de terreur et de destruction nihilistes.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Yves LECLAIR : professeur agrégé, docteur en littérature française, écrivain
Classification